FIFA MI-SHIVA
La Fédération Internationale de Football Association est au départ une belle histoire de générosité (mais si, mais si) et de sport idéalisé en tant que vecteur de paix dans le monde. Son acte de naissance, enregistré en 1904 à Paris, dans un modeste appartement de la rue Saint Honoré, parle bien d’association à but non lucratif (mais si, mais si bis).
À l’instar du baron Pierre de Coubertin, qui fonda le CIO (comité international olympique) en vue d’organiser les premiers jeux olympiques modernes en 1896 à Athènes, les Français ont soutenu et développé activement cette idée, à l’époque révolutionnaire, que le football pouvait prendre une telle ampleur qu’il constituerait un facteur décisif d’entente et de rapprochement entre les peuples. Fort logiquement, le premier président de la FIFA fut donc français, de 1904 à 1906. Il se nommait Robert Guérin et exerçait la profession de journaliste tout en assumant des responsabilités de dirigeant, entraineur et arbitre de football.
Toutefois, le grand artisan et principal initiateur de l’expansion de la Fifa fut un autre Français, avocat de formation et passionné de sport : Jules Rimet. Son cheval de bataille : organiser une belle et grande coupe du monde de football. Il y parvînt dès 1930, avec une première édition jouée en Uruguay, alors au firmament footballistique puisque double champion olympique (1924 et 1928). Parmi les treize équipes nationales qualifiées, seules quatre sélections européennes (France, Belgique, Yougoslavie et Roumanie) prirent part à l’épreuve. Lors du match d’ouverture, contre le Mexique, le premier but de l’histoire de la coupe du monde de football fut français, œuvre de Lucien Laurent, bénéficiaire d’un congé spécial grâce au statut de ‘’footballeur-ouvrier’’ sochalien, et à tout jamais LE pionnier des buteurs de coupe du monde. L’Uruguay remporta la finale en battant l’Argentine sur le score de 4 à 2 et lança la légende de la plus fabuleuse compétition ès sports collectifs.
Comme souvent, les Français eurent raison de croire et de s’investir sans compter dans un projet aussi noble au départ. Comme toujours, les Anglais, mauvaises têtes initiales et opposants par principe (ils ne participèrent pas aux trois premières coupes du monde) décidèrent de reprendre le flambeau après coup, avec Arthur Drewry, président de 1955 à 1961, puis Stanley Rous, président de 1961 à 1974.
Jusque là, malgré quelques naïvetés ou maladresses, les choses ne se passaient pas si mal. Cela commença à se gâter singulièrement avec l’arrivée au pouvoir d’un certain João Havelange. Élu à la présidence de la FIFA en juin 1974, ce Brésilien en fit rapidement une multinationale où le fric prit le pas sur le foot, les enjeux sur le jeu. Magouilles en tout genre, pots de vin, mensonges, trucages et forfaitures diverses, il ne recula devant aucune malhonnêteté pour accroitre son hégémonie durant 24 longues années obscures. En comparaison, le JR de Dallas, c’était le petit prince de Saint Exupéry. João Havelange n’eût qu’une obsession : gonfler les revenus de la FIFA grâce à la publicité, le sponsoring et l’augmentation des droits télévisuels… afin d’en faire profiter d’autres associations que celles du football. Ses malfaiteurs en col blanc auraient pu sévir davantage si, en 1998, Havelange n’avait été trahi par son bras droit : un certain Sepp Blatter.
Point commun entre Havelange et Blatter : tous deux furent pistonnés par le puissant Horst Dassler, fils du créateur d’Addidas et fondateur de ISL, société de markéting sportif basée en Suisse, à deux pas de la FIFA et du CIO. Un petit canton idyllique, jusqu’à la faillite d’ISL en 2001, avec près de 200 millions d’euros de dettes ! Des documents officiels montrèrent que João Havelange et son gendre Ricardo Teixeira, alors président de la fédération brésilienne de football, avaient reçu 40 millions d’euros de pots de vin de la part d’ISL…
Le mandat de Sepp Blatter a couvert, c’est le terme le plus approprié, le fonctionnement opaque de la Fifa de 1998 à 2015, avec les mêmes hors-jeux caractérisés. Manipulation, corruption, intimidation, le système délictueux a simplement ronronné de façon plus feutrée mais tout aussi implacable. Les rares journalistes intègres ayant tenté de dénoncer l’ampleur des dégâts, tels David Yallop, et surtout Andrew Jennings, ont pu constater la puissance d’une société qui se vantait de pouvoir faire plier n’importe quel gouvernement devant son cahier des charges et le hochet d’une coupe du monde universellement vénérée. Pas de pain mais du beau jeu pour amadouer le peuple. Sepp Blatter peaufina la méthode en feignant d’en changer. Afin de blinder sa position au sein de la famille, il est devenu spécialiste dans l’art de passer et repasser le pot de confiture devant ses collaborateurs ou partenaires, jusqu’à ce qu’ils se fassent prendre les doigts dedans, quitte à orchestrer en douce leur dénonciation au moment opportun. Ce qu’il n’avait pas prévu, ce fut la riposte cinglante d’un adversaire rompu aux mêmes manipulations et intimidations par le pouvoir et l’argent.
L’attribution de la coupe du monde de football 2022 au Qatar, après celle de 2018 à la Russie, déclencha l’ire des États Unis à qui, semble-t-il, on avait laissé entendre en haut lieu qu’ils décrocheraient très probablement le précieux sésame psychosocio-sportivo-politico-autosatisfacto-médiatique. Exit les rares journalistes irréductibles au service d’humbles éditeurs. La puissance de feu de nouveaux procureurs aux moyens illimités et l’entrée en jeu des enquêteurs du FBI changèrent la donne. Une nouvelle ligue des champions anti-corruption fit exploser la montgolfière du ballon rond. Le New York Times, quelle surprise, marqua le premier touch down en révélant le scandale de la corruption généralisée au sein de la FIFA, qui aboutit à l’expulsion de son président suisse. Sepp Blatter eût beau se couper le bras droit en sacrifiant son secrétaire général Jérôme Valcke, suspendu douze ans de toute activité liée au football, il ne put sauver sa tête. La fin de l’année 2015 siffla la fin de son règne et le début d’une possible remise en question de l’attribution de la coupe du monde de football. Plus que l’arsenal judiciaire américain et les chefs d’inculpation pour racket, corruption et blanchiment d’argent, la puissance financière des USA, où demeurent les principaux sponsors de la FIFA, constitue aujourd’hui une arme de répression massive lors des prolongations à venir.
Résumons un peu l’affaire, ou plutôt les affaires, de la FIFA. João Havelange, « le premier gangster qui a trait la vache du football » selon Andrew Jennings, perdit la présidence de la FIFA, trahi par son bras droit Sepp Blatter. Manchot de son secrétaire général Jérôme Valcke, le même Sepp Blatter, président déchu, vit poindre à sa succession la candidature de son ‘’ami et soutien de longue date’’ Michel Platini, président de l’UEFA depuis 2007. Autre bras droit cisaillé en plein vol par la grâce d’un versement de 1,8 million d’euros consenti illégalement par le Suisse au Français, Platini, initialement considéré comme le candidat favori, fut dans l’incapacité de se présenter à l’élection de 2016. D’abord suspendu huit ans, puis six ans par la FIFA, il fit appel devant le TAS (tribunal arbitral du sport) mais laissa le champ libre à son ancien bras droit à l’UEFA : Gianni Infantino. Ce dernier fut élu neuvième président de la FIFA le 26 février 2016. Sa première conférence de presse fut un bref condensé de poncifs éculés. Parlant sept langues selon ses admirateurs, il se montra surtout polyglotte de bois, avec un appareil phonatoire intégralement contreplaqué. On le sentit gêné à l’évocation de Michel Platini « J’ai une très forte pensée pour lui… je le remercie pour ce qu’il m’a appris » et il refusa de répondre quant à la désignation de son futur secrétaire général. Il avait bien une petite idée mais il était prématuré de l’annoncer…
Dans ce sport qui se joue avec les pieds, on ne dira jamais assez l’importance du bras droit.
Très bel article 🙂
Ah! Ce bon Michel Platini! «Platoche», comme le surnommaient ses plus fidèles admirateurs, dont je ne faisais pas partie. Humainement, il n’avait, à mes yeux, qu’une seule qualité ; être Jovicien (né à Joeuf, en Meurthe-et-Moselle, à une trentaine de kilomètres de Thionville, ma ville). Footballistiquement, je peux admettre qu’il était un bon milieu de terrain offensif, ainsi qu’un excellent tireur de coup franc, mais rien de véritablement extraordinaire… Il faisait de belles ouvertures, parce qu’il avait une belle vision du jeu mais, après tout… N’était-ce pas son job ?
Lorsque des années plus tard, en 2007 je crois, j’appris qu’il venait de remplacer Lennart Johansson à la tête de l’Uefa, j’ai senti comme un parfum de truc, de troque, de mic et de Mac, envahir les récepteurs de mon cerveau. Une odeur gênante, d’homme de paille, allergique à l’engrais et au kérosène, que certains chimistes utilisent dans des coins amazoniques. N’est pas Maradona qui veut… Platini était ce type dont le métier paraissait se cantonner à remettre des coupes aux équipes espagnoles, et même lorsqu’il fut réélu au sommet de l’UEFA, j’avais l’impression de le voir, jour après jour, se dépigmenter, et virer peu à peu, vers une couleur grise dépressive. De quoi faire perdre la boule à plus d’un homme, fut ce t-il de fer ou de paille. Perdre la raison, au point de s’engouffrer dans un 3ème mandat, jusqu’à empocher un payement déloyal de la part de Sepp Blatter. Celui qui fut le bras droit du bras droit d’un autre bras droit, fils d’une pieuvre.
Et pour terminer, je vais vous dire d’où me sont venues toutes ces pensées. D’une convoitise de footballeur. Ces 3 attributions successives du Ballon d’or… En 1983, devant Kenny Dalglish et Allan Simonsen. En 1984, Tigana et Preben Elkjær Larsen furent ses dauphins, et en 1985, où il fut talonné par Preben Elkjær Larsen et Bernd Schuster. Bon, ce n’était pas la bande à Basile Boli, mais on ne peut pas dire que ces joueurs faisaient réellement l’unanimité chez les footeux… Trois Ballons d’Or, tous remportés lorsqu’il portait le maillot de la Juventus de Turin, en Italie, terre qui eut aussi la géniale idée de convertir “El Pibe d’Oro”, vous savez, Diego Armando Maradona, en aspirateur d’homéopathie colombienne.
Au fait, savez-vous comment on peut dire “Tu as peur en Italien ?” Hai FIFA…