UNE AFFAIRE D’ÉTAT… D’ESPRIT !
Un matin de l’année 2009, ma directrice de casting préférée m’appelle à propos d’un long métrage en cours de réalisation.
– Allo Brigitte, c’est Fabienne. Je suis à la recherche de cinq personnages transsexuels pour le tournage d’un film à Paris.
– Ah, ah… Intéressant ! Voici une journée qui commence bien…
– Oui, d’autant que c’est un film très prometteur qui s’intitule “Une affaire d’état”. C’est un thriller avec André Dussolier, Thierry Frémont, Rachida Brakni, Denis Podalydès…
– Waouh ! Quelle distribution ! Il ne te manquait plus que Brigitte Boréale et ses copines pour compléter l’affiche, si je ne m’abuse ?
Nous éclatons de rire toutes les deux.
– C’est ça, Brigitte ! Je vois que tu comprends toujours aussi vite !
– Bon alors, dis-moi Fabienne ; nous devons interpréter quel type de personnage cette fois-ci ? Prostituées au bois, agitées du bocal en boîte de nuit, échappées d’asile psychiatrique, échassières dans un bar, cassos toxicos en fin de droit ? Parce que le jour où tu m’appelleras pour qu’un transgenre joue un rôle de boulangère ou de pharmacienne, là, la société aura définitivement évolué !
Nouveaux éclats de rire simultanés.
– Tu es trop forte Brigitte ! Tu as tapé dans le mille. Ta première hypothèse est la bonne.
– Bois de Boulogne ou Bois de Vincennes ?
– Le tournage a lieu au Bois de Boulogne dans quinze jours. Je te fais confiance pour le choix des personnes qui t’accompagneront. Je vais te donner les coordonnées du responsable qui s’occupe de boucler le casting. C’est quelqu’un d’adorable. Tu l’appelles de ma part et tu vois avec lui comment tout cela s’organise. Je ne pense pas que nous nous verrons sur place, mais je te rappellerai sans doute en fin de mois au sujet d’un second tournage, un téléfilm cette fois, pour France Télévisions.
– No problem, dear Fabienne. J’essayerai de changer la couleur des bas résille et des talons aiguille !
Éclats de rires, suite et fin.
Le responsable du casting est aussi sympa que direct. Les cinq personnages souhaités doivent être très ‘’typés prostitution’’, mais également assez différenciés au niveau vestimentaire… mais tout même très prostitution, hein, ça va de soi ! Je le rassure et lui précise que nous avons l’habitude ; nous arriverons avec trois tenues différentes chacune. En plus des options proposées sur place par la costumière, cela devrait largement faire l’affaire.
Entre 2004 et 2012, nous avons enchaîné plusieurs de ces tournages pour le cinéma ou la télévision. Si certaines rencontres ont donné lieu à de sincères amitiés, je pense à Zabou Breitman et Virginie Lemoine, d’autres se sont soldées par de belles déceptions, je pense à Fabrice Luchini et Fred Testot. Question de considération vis à vis de figurantes cantonnées dans un rôle de putain ? Ou tout simplement d’humeur non réceptive ces jours-là ? La seconde éventualité serait moins blessante que la première, qui trahirait, à leurs yeux, l’absence totale de composition dans notre jeu. À la vie comme à l’écran, chacun fait souvent son cinéma sans se préoccuper de ce qui se cache derrière la réplique. Dans un cas comme dans l’autre, nous avons appris à relativiser. L’image du transsexuel est sujette à des appréciations très stéréotypées. Le préfixe trans ne semble guère retenir l’attention de l’observateur lambda, qui préfère se focaliser sur l’écho sexuel de notre identification, écho qui rebondit invariablement sur les mêmes clichés. Paradoxalement, c’est ce composant ‘’sexuel’’ qui motive avec la même intensité le mépris ou l’intérêt manifesté à notre égard. C’est lui qui, mal compris ou assumé par certains, va déclencher agressivité et injures en pleine rue, mais c’est lui aussi qui va nous propulser sur le devant de la scène et le générique d’un film. Nous avons donc appris à vivre avec cette étiquette et son ambigüité sans en rajouter dans un sens ou dans l’autre. Ici bas, tout le monde a ses grandes joies et ses petites contrariétés. On ne va pas en faire une affaire d’état !
…
Le jour J, une escouade de choc se retrouve vers midi près de Bagatelle, aux abords du Bois de Boulogne. Le groupe de combat est solidement constitué par Geovanna, Brésilienne aussi douée pour la comédie que pour la création de costumes, Olivia, native des Marquises capable d’écrire une chronique et de la chorégraphier avec élégance, Diana, à la palette de danseuse et peintre aussi colorée que sa Colombie natale, Jenny, Tahitienne au doux sourire et au tamouré (danse tahitienne) émouvant, et moi-même, Brigitte, qui pour une fois, ne m’étais pas couchée aux aurores. Le responsable du casting nous félicite pour notre ponctualité et nous accompagne sur les lieux du tournage, en plein Bois de Boulogne. La loge maquillage est spacieuse mais presque superflue car nous sommes arrivées déjà prêtes. Nous pratiquons tout de même quelques retouches indispensables. On est féminine ou on ne l’est pas !
La seconde étape nous mène chez la costumière et son assistante. Toutes deux voient débarquer cinq créatures impeccablement coiffées et fardées. Perchées sur des talons affûtés, nous culminons à une hauteur moyenne de 1m90 et la petite assistante est obligée de lever la tête bien haut pour nous parler. Je crains un instant qu’elle n’attrape un torticolis. L’habilleuse en chef est agréablement surprise par nos choix vestimentaires. Ces tenues ont la ‘’pertinence’’ souhaitée mais elles sont également assez distinctes pour ne pas doublonner. Différentes mais complémentaires. Du coup, nous sommes très en avance sur le planning initial et on nous suggère de rejoindre le chapiteau cantine avant la scène pour laquelle nous sommes programmées, vers 16h00. Deux gardes du corps sont appelés à la rescousse pour nous escorter sur place. Diana est flattée, Jenny est un peu étonnée. Elle se demande si cela est réellement indispensable. Geovanna lui garantit qu’elle va être vite fixée.
La réponse ne se fait guère attendre. Distance estimée entre notre point de départ et notre point d’arrivée : environ 350 mètres. Conditions climatiques assez douces d’un après-midi d’automne ensoleillé. Fréquence des coups de klaxons sur notre passage : environ une quarantaine à la minute ! En effet, cette partie du bois jouxte une allée très fréquentée où les professionnelles officient avec assiduité. Nous sommes donc identifiées comme telles et ce ne sont pas nos tenues qui vont démentir ce préjugé. Les voitures ralentissent mais, étant donné la présence de nos deux cerbères, d’ailleurs assez impressionnants, les conducteurs n’osent pas s’arrêter. Ils redoublent donc d’acharnement sur leur avertisseur sonore, témoignages d’envie et de dépit mélangés. Certains font demi-tour et repassent à vitesse plus que modérée, selon un rituel d’usage maintes fois réitéré en ces lieux…
Nous tuons une petite heure sous la tente réfectoire, à faire connaissance avec une partie de l’équipe, entre coca, café chaud et thé glacé. D’après le préposé aux boissons, il n’y a jamais eu autant de monde à cette heure les jours précédents. Un curieux hasard pousse bon nombre de techniciens à venir se désaltérer en même temps que nous. À se demander qui est vraiment présent sur le site du tournage afin de peaufiner les derniers réglages ? Nous sommes enfin appelées sur les lieux du crime… Enfin, un tout petit crime, un criminou de rien du tout. Denis Podalydès, vendeur d’armes pas clair, se fait balancer d’une grosse berline noire en plein Bois de Boulogne par l’homme de main d’un conseiller ministériel peu scrupuleux campé par André Dussolier. Nous sommes là pour toiser le malheureux avec une incompréhension teintée d’hostilité, alors que la voiture redémarre en l’abandonnant à un sort incertain. Aucune réplique à déclamer si ce n’est quelque vague interjection ou simulation de remarques entre nous. C’est un rôle de silhouette, le degré juste au dessus de la figuration. On a besoin de nous voir mais pas de nous entendre. Un peu comme dans la société, en somme.
…
Notre quintette de péripatéticiennes émérites s’acquitte de sa tâche avec brio, mais comme dans toute scène de cinéma qui se respecte, il y a toujours quelque chose qui ne va pas. Une fois, c’est le son. Une autre fois, c’est la lumière. Une fois, c’est la voiture qui redémarre trop tard, ou trop tôt. Une fois, c’est un jogger bizarre, sorti d’on ne sait où, qui traverse en plein champ de la caméra ! Il peut y avoir aussi un ou deux ratés à cause des acteurs principaux, mais ça, en général, on ne le dit pas. On invoque toujours une autre raison pour justifier la nécessité d’une énième séquence sans froisser la susceptibilité des intéressés. Bref, au bout d’un nombre indéterminé de répétitions de la même scène, une pause de trente minutes est décrétée, le temps de procéder à quelques réglages techniques et à un visionnage sommaire des rushes. Le réalisateur s’engouffre dans le camion-régie. André Dussolier passe quelques coups de fil avec son téléphone mobile. Le direphot (directeur de la photographie) joue son rôle de chef opérateur en maintenant ses équipes sous pression, et nous, nous sommes invitées à rester sur place en attendant la reprise du tournage. Il ne nous reste plus qu’à faire les mille pas sur le bitume boulonnais. Presque une double figuration ! La portion de route où nous tournions est ré-ouverte à la circulation le temps de cet entracte inopiné. Lumière voilée sur des arbres mordorés, la fin d’après-midi s’est installée. Dans ce décor particulier, notre présence et nos silhouettes font plus vrai que nature. Allumer une cigarette revient alors à déclencher un feu de forêt fantasmatique. Un peu à l’écart des véhicules techniques et des groupes électrogènes trop bruyants, mais surtout sans la présence des gardes du corps, nous aimantons les véhicules de toutes sortes qui, cette fois, n’hésitent pas à s’arrêter.
Évidemment, l’inaltérable « C’est combien ? » fuse automatiquement de la vitre passager abaissée. Geovanna répond en donnant l’heure : « Six heures et demi, futebol, samba et champagne ! ». Elle fait semblant de ne rien comprendre et baragouine un franco-brésilien tout à fait farfelu. Penchée à la portière, elle offre en sus une vue plongeante sur un décolleté plus que généreux, qui ne fait qu’augmenter le désarroi de son interlocuteur malchanceux. Olivia et Jenny ont toutes les peines du monde à retenir leur fou rire. Diana donne du ‘’Mon Chéri’’ à tout le monde et prétend qu’elle n’est pas libre parce qu’une voiture de l’Élysée doit venir la chercher. Un automobiliste incrédule lui demande si elle se fout de sa gueule. Pile à cet instant, surgissent deux motards de la police nationale, suivis d’une voiture banalisée. Ils s’arrêtent à notre hauteur et l’automobiliste s’en va, on ne peut plus décontenancé. J’imagine avec délectation sa perplexité. En réalité, ils viennent voir si tout se passe bien sur le tournage. Je fais mine d’être apeurée et leur dit que je n’ai pas mes papiers. Ils rigolent et me demandent où est André Dussolier. Geovanna, qui n’en manque pas une, leur dit que ce n’est pas son secteur et qu’il tapine un peu plus bas ! « Vous êtes vraiment des marrantes » nous répondent-ils alors que le chef de la sécu vient les informer que notre tournage prendra fin avant 22 heures, comme spécifié dans la déclaration faite à la préfecture.
Les forces de l’ordre reparties, le ballet des voitures reprend de plus belle. Une Mercedes grise stoppe à ma hauteur et son conducteur, qui ressemble vaguement à Ben Affleck, me demande le tarif. Je ne me démonte pas et répond très sérieusement : « 500 euros » !
– Quoi ? 500 euros ? T’es vachement chère !
– Oui, mais je les vaux bien !
– Et qu’est-ce que tu fais pour 500 euros ?
– Houla ! Des choses que t’imagines même pas !
Diana, qui a entendu le début de la conversation arrive en renfort : « C’est vrai ce qu’elle te dit. Si tu l’essayes, tu ne pourras plus jamais t’en passer. En plus, Brigitte, elle est française 100 % ! » J’avoue que je ne m’attendais pas à cette précision. Et encore moins à la réaction de mon ‘’client’’, qui prend cette information comme un argument de vente déterminant.
– C’est vrai ce qu’elle dit ta copine ? T’es française à 100 % ?
– Ben oui ; ça ne se voit pas ?
– Si, maintenant que tu me le dis ! Mais quand même, 500 euros, c’est pas donné, surtout si tu ne me dis pas avant ce que tu fais.
– Écoute, il va falloir te dépêcher parce que dans vingt minutes, ça va augmenter.
– Comment ça, ça va augmenter ?!
– Ben oui. En plus de faire le tapin, je suis actrice et là, tu vois, je suis en train de tourner un film.
– Tu tournes un film X ?
– Euh… Oui, un film X (je n’avais pas du tout prévu cette réplique)… mais un film X à gros, à très gros budget.
– Ah ouais ? Et qu’est-ce qui me le prouve ?
– Ben ; tu ne vois pas le car régie, là juste derrière, et les camions techniques, un peu plus loin ?
Je n’ai pas le temps de terminer mon argumentation pourtant joliment improvisée. Un assistant de prod vient nous chercher. Comme je suis la plus éloignée, il me lance : « Brigitte, on tourne dans cinq minutes » ! Mon futur-ex-client est ébahi. Je lui dis que je n’ai plus le temps de discuter et tourne les talons pour rejoindre les autres. Il roule doucement à ma hauteur et insiste pour que nous nous retrouvions ici après le tournage. Pour m’en débarrasser, je réponds que j’en ai au moins pour une heure, et qu’ensuite nous devons tourner dans une autre partie du bois et donc que je ne veux pas le faire attendre toute la nuit, et patati et patata. C’est alors qu’il formule cette demande incroyable : « Mais entre les deux tournages, t’auras bien encore droit à une pause ? On peut le faire à ce moment là ! Je suis d’accord pour 300 euros ! »
De retour sur le plateau, je raconte cette histoire du mec dans sa grosse Mercedes à Geovanna, qui n’est pas plus étonnée que cela. « C’est la chance de la débutante, me dit-elle. T’as appuyé sur les bons boutons sans le savoir. Tu sais, chez ces mecs-là, au bout d’un moment, ça explose de tous les côtés. Le cerveau n’est plus en place dans leur tête. Ils pensent avec leur bite ! »
Silence ! On tourne. Moteur… Nous reprenons nos positions à l’identique et répétons la même séquence. Les réglages sont tip-top, la lumière idéale. À peine quatre ou cinq prises et c’est réglé en trois coups de cuillère à pot. La fin du tournage arrive presque trop rapidement. Il fait un peu froid mais nous sommes ravies de cette aventure, une de plus, accomplie ensemble. Le chef op’ vient nous féliciter. Il affirme que cette petite pause a fait du bien à tout le monde. J’ai envie de lui dire qu’elle n’en était pas vraiment une pour nous et que pendant ces vingt minutes, nous avons continué à faire notre cinéma. Les machinos enroulent leurs câbles. De cette journée de tournage, il ne restera sans doute que quelques secondes parmi l’heure et demie du montage final. Ce que nous ignorons encore, c’est qu’une fraction de ces minuscules secondes finira par figurer dans la bande annonce du film !
…
Le petit chapiteau cantine est déjà démonté. Maquilleuses et habilleuses ont disparu. L’accessoiriste referme ses coffres métalliques. Je demande à mes copines de ne surtout pas partir sans moi et je rejoins la loge principale. André Dussolier a fini de se changer et le régisseur me dit que je peux entrer. L’acteur m’accueille avec un petit sourire intrigué. Nous nous sommes déjà rencontrés cinq ans plus tôt, alors que j’officiais sur Pink tv. Il donnait vie à un merveilleux texte de Paul Fournel, ‘’Les athlètes dans leur tête’’. Je l’avais interviewé juste après sa performance seul en scène. Un merveilleux souvenir. Autre couleur de cheveux, autre maquillage, autre contexte, mon visage ne lui est pas inconnu mais je le sens s’interroger. « On se connaît, non ? » me dit-il. « Oui, on se connaît. Est-ce que je peux vous donner un indice ? » Ayant anticipé ce moment, j’ai appris la fin d’un texte qu’il interprétait à l’époque, ‘’Autoportrait d’un descendeur’’, évoquant magistralement le ski de descente. Amusé, il me prie de commencer. Je me lance : « Mes cuisses et mon dos sont intraitables, je porte sans cesse sur le menton la marque de la jugulaire du casque. Lorsque le starter me libère sur la rampe de départ, il libère des tonnes de travail. Après, il reste un descendeur sur la piste qui n’a plus ni yeux, ni tête, ni jambes et qui glisse pour arriver en bas de la montagne plus vite que les autres hommes. C’est la règle. »
André Dussolier a changé de sourire. Je sais qu’il a compris. Il vient de rabibocher mon visage et notre première rencontre. Je m’interromps. « Non, non… me dit-il, il faut aller jusqu’au bout. La chute est magnifique ». Je reprends, tout en savourant son jeu de mots malicieux à propos de la conclusion du texte : « Et puis il y a le moment qui arrive forcément dans une vie, le seul moment de vrai repos, de repos absolu. Le repos du descendeur. Vous avez passé le grand gauche et le grand droit à fond, vous entrez dans le dévers et vous faites cette minuscule erreur de trajectoire, cette petite faute stupide (qui n’est pas d’inattention puisque les descendeurs ignorent l’inattention) qui vous tire quelques centimètres en dehors de la ligne idéale. Et là, c’est le vrai repos, le repos immense. Vous avez déjà perdu vingt centièmes, puis très vite un dixième et la course. Plus rien n’a d’importance, vous n’êtes plus un descendeur, vos muscles se relâchent, votre esprit se libère. Vous savez que vous allez vous casser la gueule ! »
Il applaudit et enchaîne : « Gaité Montparnasse, fin 2004, interview pour Pink tv ! » La mémoire associative n’est pas un mythe. La modestie et la gentillesse des vrais artistes non plus. À ma demande de réaliser une photographie avec mes amies, il répond immédiatement avec une générosité enthousiaste. Il conseille même au photographe de la doubler, au cas où, et s’en va aussitôt frapper à la porte de l’autre camion loge pour rameuter Thierry Frémont et Denis Podalydès. Re clic-clac ; c’est dans la boîte ! Tous trois s’enquièrent de petits détails significatifs sur notre ressenti et notre vie au sein de la société actuelle. Une pluie fine abrège la discussion et nous désertons les lieux à regrets, avec l’étrange sensation que nos souvenirs sont déjà un peu sur-ex.
Jenny s’en va avec Olivia et son ami. Geovanna, Diana et moi prenons place dans une seconde voiture. Nous laissons le Bois de Boulogne et son théâtre permanent derrière nous. Au moment de rattraper le boulevard périphérique, Geovanna se retourne et me demande : « Brigitte, et ton ami Ben ? »
– Mon ami Ben ? Quel ami Ben ?
– Tu n’as pas d’ami Ben ?
– Non, je n’ai pas d’ami Ben !
– Ah bon, tu as déjà oublié ?
– J’ai déjà oublié quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ?!
– Oui tu as déjà oublié ton ami Ben, mais lui il ne t’a pas oublié.
– Qu’est-ce que tu me chantes ? Je n’ai pas d’ami Ben et puis c’est tout ! Je me souviens quand même du nom de mes amis. Il n’y a jamais eu aucun Ben parmi eux. Point final.
– Si, si, il y a un Ben.
– Écoute Geovanna, je pige que dalle à ce que tu me dis.
– Et bien demande à Diana s’il n’y a pas une grosse voiture grise qui nous suit depuis tout à l’heure ?
Et Diana de répondre : « Ah oui, c’est bien la Mercedes Ben ! »
Tournage au bois de Boulogne : Igor était présent ce jour là ; c’est lui qui t’a raccompagnée, ainsi que tes copines, le soir en voiture.
Oui, tu as raison. Il fait partie à jamais de cette belle aventure. Et il continue certainement à nous accompagner, autrement qu’en voiture.
Tu as l’art de nous faire totalement partager ce que tu as vécu, avec beaucoup d’humour et de légèreté. Quelle belle plume !
Donc en fait sur cette journée, c’est plus rentable d’être prostituée au bois de boulogne que d’être actrice de complément au cinéma… Dommage
Oui… et j’ai bien peur qu’il n’y ait pas qu’au cinéma que cela se passe comme ça. D’où la pertinence de cette dénomination “actrice de complément” !
Ça dit pas de combien était le cachet ?
Les cachets pour de la figuration ne sont jamais mirobolants. Cela va de 80 à 120 euros la journée selon les productions. Pour les silhouettes, on atteint les 150 euros, voire plus s’il s’agit d’une silhouette récurrente. Pour les petits rôles, cela dépend du texte, mais on se situe alors autour des 400 euros. Pour le reste, aucune illusion à se faire : ce sont des comédiens professionnels, sous contrat avec des agents, qui se taillent la part du lion, y compris pour des rôles très secondaires.
Au bout d’une minute et 20 secondes de bande annonce, comme s’il s’agissait d’une image subliminale, la voilà. En premier plan de l’arrière plan ; BB apparaît. Mini-robe rouge, ceinturon noir, et par-dessus blanc cassé. Un talon aiguille planté sur le trottoir et l’autre sur la route. Quatre superbes créatures l’accompagnent, mais elle est la seule à nous regarder droit dans les yeux. Pour ne pas dire à nous psychanalyser. Je pense même que c’est elle qui nous a filmés. Comme dirait mon Maître et Ami P.E: “Dans ce film où presque tous les acteurs ont une arme, c’est elle qui nous a touché”….
Merci beaucoup du compliment. BB est touchée, à son tour. Quand est-ce qu’on se résout à aller racoler activement le grand maître Pedro Almodovar afin qu’il se décide enfin à nous filmer avec la singularité qui le caractérise ? Mes copines et moi-même sommes prêtes à partager nos droits avec celui (ou celle) qui réussira à établir la connexion ! Talons aiguilles, le retour !!!
Ca fait déjà quelques nuits que je synopsise. Et tu sais que si je synopsise… J’évite les écrits vains. Alors tiens toi prête. Pedro en bavera. Quand aux droits… Ce sera, le don pour le don. Au nom de l’Amitié.
Bonjour est à bientôt, magnifiques beautés ! Je rêverais que vous acceptiez que je puisse venir parmi vous ! Bises.
C’est si bien écrit et raconté…
Ai gente locuraaaaaaaaaaaaaaaaa total adorei minha irma querida hihihihih !!! Super super merci merci pour cet enregistrement ce jour la. Merci muito obrigada, minha irma querida te amo…
Tu fais partie de mes amies et des guerrières de la première heure dans cette aventure “Stratostars” qui nous fut chère. Et qui renaîtra peut-être de ses cendres ? Comme un phœnix en talon aiguille, à nouveau paré à l’abordage de nouvelles conquêtes. C’est tout le mal que je nous souhaite. Et le drapeau BC3G, avec son étoile blanche cerclée de rose, flottera encore sur nos espoirs.
Bonjour, je voudrais bien vous accompagner ; de vraies beautés, adorables ! Bises et à bientôt.
Bonjour
vous êtes de divines “dames” et j’avoue que la provinciale que je suis rêve de la confiance que vous avez en vous
Bravo
Marie-Sophie
La confiance que chacune cultive au plus profond d’elle-même vient en partie des autres. Nous sommes toutes des provinciales émigrées vers une capitale que l’on sublime avant de l’apprivoiser. On s’y retrouve comme d’autres peuvent s’y perdre. Mais notre plus belle capitale reste la féminité. C’est finalement la seule chose véritablement capitale pour laquelle on s’expose et l’on se bat. Individuellement et collectivement. Et si un jour, chère Marie-Sophie, en venant faire un tour à Paris, il te prend l’envie d’augmenter ce capital confiance que je sais déjà en toi, n’hésite pas à nous faire signe !
Merci Brigitte.
Je suis convaincue d’être femme et longtemps j’ai eu peur du regard des autres avant de m’apercevoir que si je ne m’acceptais pas, alors je ne pourrais pas être sereine.
Depuis je sors en dame et peu importe les autres.
N’ayant plus 20 ans, j ai adopté un style bcbg classique qui me plait.
Enfin, j’aimerais des jugements d’autres personnes j ai qq photos…
Je vais tenter de me dégager du temps pour me rendre à Paris.
Merci à vous.
Marie-Sophie
Moi je n’ai pu pas faire un “tournage” comme ceci ! Impossible pour une pute de jouer la pute ! Mon métier est trop cru pour juste se “jouer” ! Et en plus c’est une perte de temps precieux……………….! Bisou à tous ! “suceuse”
Au risque de te contredire, on peut très bien “être pute” dans la vie et se la jouer comme telle à l’écran. Les mondes du showbiz, de la télé et du cinéma en sont remplis d’exemples ! Je n’ai aucun jugement moral sur le sujet. Chacun fait ce qui lui plaît de son corps et de son existence. Si cela lui correspond et l’épanouit, où est le problème ? Il n’y a pas de sots métiers, simplement de sottes gens qui les exercent mal. Lors du tournage évoqué, j’ai rencontré trois personnes travaillant dans la prostitution. Elles étaient ravies d’être parmi les figurantes et de passer la journée à faire des rencontres différentes de leur contexte habituel. Elles participent d’ailleurs assez régulièrement à ce genre de tournages et ne les considèrent pas comme une perte de temps. Elles y trouvent autre chose, qui leur est précieux à un autre niveau. L’une d’elles est devenue une amie. Nous y avons toutes deux gagné beaucoup plus qu’un simple cachet ce jour-là.
Si bien raconté par notre Brigitte nationale qui vaut bien l’ancienne
Et certains commentaires sont de bons niveaux… pour sortir du “cas niveau” du cinéma cliché des personnes trans’ qu’on laisse encore sur le trottoir de leur destinée.
Merci encore Brigitte pour ton talent partagé