Joli mois de mai ?
Ce mois fait vraiment ce qui lui plait.
Ça commence le 1er mai par une fête du travail qui, dès 1890, fait défiler les manifestants avec un triangle rouge à la boutonnière symbolisant la journée divisée en trois parties égales : travail, sommeil, loisirs. La fleur d’églantine assure un bref relais avant que le brin de muguet ne reprenne le devant de la scène. En 1561, Charles IX avait déjà pris l’habitude d’offrir des brins de muguet aux dames de la cour en ce premier mai décidément bien inspiré.
Une semaine après, le 8 mai est moins sémillant. Il commémore l’armistice, fin officielle de la seconde guerre mondiale en Europe (8 mai 1945, à 23h01, au lendemain de la capitulation allemande). Ce même 8 mai correspondait déjà à deux événements majeurs : la fête traditionnelle de Jeanne d’Arc, qui délivra Orléans le 8 mai 1429, et l’invention de John Styth Pemberton, pharmacien d’Atlanta, le 8 mai 1886, à base de cola et de soda !
Les 11, 12 et 13 mai, saint Mamert, Pancrace et Servais, surnommés les saints de glace se pointent pour flanquer un bon coup de froid juste après les premières montées du thermomètre.
Dans la seconde quinzaine, on tombe souvent sur le jeudi de l’ascension, 40 jours après Pâques, célébrant la montée au ciel de Jésus ressuscité. Et dans la dernière semaine sur la fête des mères, initiée par Napoléon en 1806 et autorisée le 9 mai 1920 par le ministère de l’Intérieur en tant que journée nationale des mères de familles nombreuses.
Finalement, le mois de mai tout entier fait figure de beau pataquès, pour ne pas dire de joyeux bordel ! Histoire, religion, sociologie, psychologie se bousculent allègrement pour faire oublier qu’en réalité, tout ça, c’est encore et surtout une histoire de sexe !
L’origine du mot mai, pas très nette, flirte dans la mythologie avec Maïa, fille d’Atlas fricotant avec Zeus pour accoucher d’Hermès, ou avec les célébrations païennes du printemps chez les Celtes. Symbolique liée à l’amour et l’érotisme mais aussi à la lutte contre les forces obscures.
Mai est un éternel indécis, séducteur cyclothymique hésitant entre euphorie et nostalgie. Une superstition vivace précise qu’il ne faut pas se marier en mai. « Mariages de mai ne fleurissent jamais ».
Ça se comprend. En mai, fais ce qu’il plaît… Si tout le monde suit le dicton, vous imaginez la partouze ? Avec la nature et la sève qui bouillonnent de partout, pas la peine de faire un dessin. Faut vraiment être un kamikaze du lit conjugal pour jurer fidélité dans un tel remue-ménages ! Vraiment risqué de se dire oui sans penser au mais…
Mais, mais, mais, ne rien dire c’est pire. La preuve en 1968 ! USA, RFA, Pologne, Tchécoslovaquie, France… ça déborde. La parole se libère. Libération textuelle mais libération sexuelle aussi : grand thème de Mai 68.
Les femmes ont joué un rôle majeur dans le décloisonnement des relations humaines et sociales d’alors, en s’engageant sur des points précis : arrivée des contraceptifs, autorisation de l’avortement, répartition des tâches : « Qu’est-ce qui est plus long : faire cuire le steak d’un révolutionnaire ou celui d’un bourgeois ? ».
Une révolution sexuelle au sens large du terme, basique et “baisique“. En mai 68, une des principales revendications des étudiants parisiens était l’accès libre pour les garçons aux résidences universitaires des filles ! Au niveau du lycée, on commençait seulement à ouvrir des établissements mixtes et les filles n’étaient pas autorisées à porter le pantalon.
Ça fait sourire, mais 58 ans après, a-t-on vraiment progressé dans le décloisonnement de la société ? On est tenté de dire oui. Oui mais. On parle beaucoup d’acceptation des différences et de nouvelles visibilité des minorités mais dans quel secteur réellement mixte et friendly un garçon peut-il aujourd’hui venir travailler en jupe et talons aiguille sans risquer de rejoindre aussitôt le cortège des demandeurs d’emploi ? « En mai, fais ce qu’il te plait », prétend pourtant l’adage.
Beau brin de texte 🙂 Toujours aussi riche en informations précieuses tes écrits. Merci 🙂
Que voilá une belle “veine” à exploiter chaque mois, avec ta belle écriture, un peu d’érudition à partager et toujours plein d’humour. J’ai aimé. J’aime. J’aimerai.
Go on, my Girl !