Dire que s’il n’y avait pas eu la Guerre de Trente Ans en 1618, aristocratie protestante de Bohême contre autorité catholique du Saint Empire, les petits garçons n’auraient jamais été étranglés par le ridicule petit nœud pap’ des grandes réunions de famille et leurs pères garrottés par la classique cravate noire.
On doit la cravate aux Croates, comme on doit le porto aux Portugais, la canadienne aux Canadiens et les autruches aux Autrichiens…
La faute à Louis XIII et ses mercenaires venus de Croatie, chargeant sabre au clair et foulard au cou. Leur succès, et celui de leur cravate fut immédiat ! Louis XIV enchaîna avec un cravatier lui en présentant un assortiment chaque matin. Il contamina le roi Charles II d’Angleterre en exil, qui l’exporta outre-Manche. L’épidémie gagna les colonies françaises et britanniques, l’Amérique du Nord, jusqu’aux Cajuns nouant un simple lacet faute d’argent.
Au 17ème siècle, les militaires inventèrent le stock, sorte de col plastron haut et rigide, attaché serré autour du cou sur lequel est fixée la cravate, et qui donne un port de tête si altier et digne… que l’on relate nombre de blessures et évanouissements dus, non à l’ennemi, mais au port du stock !
Aujourd’hui, plus de 600 millions d’hommes portent la cravate. Il s’en vend 800 millions par an, dont 100 millions au Japon. En moyenne, le Japonais et l’Américain dispose de 8 cravates, l’Anglais et l’Italien de 5, l’Allemand de 3 et le Français de 1.6 seulement !
Inversion des valeurs. Lorsque la femme porte la cravate, une certaine subversion, pour ne pas dire une subversion certaine vient se mêler à la coquetterie pour redistribuer les cartes en cassant les codes. Ainsi, la mode dite à la garçonne contribua à affirmer d’autres revendications, rompant avec les stéréotypes de la féminité et de la dépendance. Colette et Georges Sand en furent de parfaits exemples.
Parmi les histoires de cravates folles, il y eût les cravates gags (musicales, parlantes ou lumineuses), les cravates comestibles ou transparentes, les cravates espions (micro, caméra ou photo), les cravates en caoutchouc pour le bain, ou gonflables pour faire air-bag et test d’alcoolémie !
Des scientifiques firent appel aux mathématiques (modélisation des gestes, position du tissu et autres paramètres) pour élaborer et recenser 85 nœuds de cravate différents !
Quant à l’origine de la cravate de notaire, le mystère demeure bien épais autour de cet acte qui désigne la masturbation du pénis entre les seins d’une femme ou d’un transsexuel. Selon certains, la cravate proprement dite est constituée par l’éjaculation, le sperme prenant la place du ruban (aux USA on nomme la pratique “pearl necklace” : collier de perles). D’autres pinaillent sur la position du pénis dans le sillon mammaire, pointé vers le ventre de la partenaire, ce qui place les testicules à l’endroit habituel du nœud de cravate. La pratique ferait référence aux anciens nœuds de cravate des notaires, relativement volumineux (les nœuds, pas les pénis). Seule certitude, le mot savant pour cravate de notaire est “Cinépimastie”. En grec, mot à mot, mouvement entre les seins.
Ce que l’on ignore ou que l’on a tendance à oublier :
En son temps, Thomas Lipton fut aussi célèbre par ses nœuds papillon à pois que par son thé, tandis que G.B. Brummel (1778-1840), “The Beau”, était un maniaque de la cravate. Il lui fallait trois cravates pour confectionner le nœud. Insatisfait, il changeait de cravate afin que le tissu ne laisse aucune trace du précédent essai.
La première représentation historique de cet accessoire vestimentaire remonte aux alentours de 250 avant Jésus Christ : les 7500 soldats en terre cuite gardant depuis des siècles le tombeau du premier empereur chinois Qin Shihuangdi, sont tous cravatés d’un impeccable nœud en soie.
La focale (en laine ou soie) que les légionnaires romains portaient pour ne pas avoir froid à la gorge est l’autre ancêtre de la cravate (colonne de Trajan).
La cravatomancie est l’art de deviner l’homme caché derrière sa cravate :
– Le timide : arbore un nœud discret, étroit. La sienne pend plus qu’elle ne tombe, dans des coloris foncés ou neutres.
– L’artiste : s’il a du talent, met dans son noeud la souplesse intellectuelle et la désinvolture qui le caractérisent, avec un doigt de révolte.
– Le Don Juan : la sienne est courte à nœud proéminent. Il provoque dans la façon ostentatoire de la présenter à la cantonade.
– Le technocrate : un trois pièces classique qui n’exprime guère la fantaisie. Noeud méticuleux, parfaitement géométrique et conformiste.
– Le sportif : son noeud est lâche, souple, nonchalant. Il aime la couleur et les motifs. Les pans sont de bonne largeur, parfois flottants.
– Le snob : pointilleux sur la griffe qu’il s’arrange pour exhiber avec un nœud tape à l’œil, ton assorti à la carrosserie de sa voiture !
Quelques citations pour se monter du col en bonne société :
« De quelque côté que je le regarde, ce rectangle de soie qui étrangle les cous masculins éveille en moi une infinité d’émotions »
Tatiana Tolstoî
« A la différence du coloris et du motif, qui concerne au fond surtout l’autre, le nœud nous concerne seuls…. »
Alberto Moravia
“La cravate n’est pas seulement un utile préservatif contre les rhumes, torticolis, fluxions, maux de dents et autres gentillesses du genre ; elle est une partie essentielle et obligée du vêtement qui, dans ses formes variées, apprend à connaître celui qui la porte“.
Honoré de Balzac
« Une cravate bien nouée est le premier pas sérieux dans la vie. »
Oscar Wilde