BURKINA FASHION

« Le port du burkini sur la plage ? C’est un scandale ! C’est pas chez nous que ça risquerait d’arriver. D’ailleurs, elles n’essayent même pas chez nous ! Évidemment qu’il faut l’interdire ! » Giovanna, ma meilleure amie brésilienne a toujours des avis quelque peu tranchés.
J’ai eu beau lui expliquer que nous, transgenres, n’étions peut-être pas les mieux placés pour réagir ainsi, vu que les codes vestimentaires, nous étions quand même un peu habitués à les fracasser allégrement, rien n’y a fait.

Ce qui me défrise un peu dans cette affaire, c’est justement le tout ou rien. On est pour ou on est contre, et assez farouchement dans la grande majorité des cas. J’ai lu des dizaines d’articles et écouté autant d’interviews sur le sujet sans jamais trouver de juste milieu. Idem sur le plan des références et illustrations. On ressort des vieux arrêtés, des anciennes photos noir et blanc des maillots 1900. Ok, ok, mais on repart un siècle en arrière.

On mélange politique, religion, psychologie, sociologie, esthétisme, et même sémantique ! J’ai entendu parler de Burkina Fashion ! Alors que les pauvres Burkinabé ne sont pour rien dans cette histoire et que le nom de leur nation, le Burkina Faso, signifie littéralement « le pays des hommes intègres » ! On en est bien loin.

Pourquoi ne pas admettre tout simplement que chacun est libre de se vêtir comme il le veut tant qu’il ne met en péril ni lui-même ni son voisin ? Question de bon sens et de circonstances. Personnellement, je suis une intégriste du talon aiguille, entre 8 et 12 cm de hauteur minimum. Bien que je ne trouve pas cet accessoire très adapté à la chasse sous-marine, qui cela dérangerait-il si je décidais de plonger ainsi chaussée malgré tout ?

D’autre part, est-ce que tous ceux et celles qui ont un avis sur le burkini se sont déjà baignés tout habillé ? Objectivement, au niveau des sensations, c’est pas top. Ni avant le bain, ni pendant, et encore moins après. Pour s’imposer cela, il faut vraiment avoir des raisons majeures et s’y tenir. Tout en sachant que rien n’est jamais définitif, dans un sens ou dans l’autre.

Je regardais la photo d’un couple que je ne connais pas personnellement, mais qui semblait très à l’aise sur le port du voile et l’on me disait que si madame se promenait ainsi vêtue aujourd’hui sur la plage de Nice, ville dirigée par un de leurs meilleurs amis, la police était en droit de lui demander d’aller se rhabiller !

Alors qu’en d’autres lieux et circonstances, la question ne se posait même pas ! Paradoxe du bon sens et des circonstances, encore une fois.

La romancière britannique J.K. Rowling, mère d’Harry Potter, publiait ce tweet le 25 août dernier : «… Whether women cover or uncover their bodies, seems we’re always, always asking for it ». Je ne comprends pas très bien l’anglais mais il me semble qu’au final, quelle que soit la façon dont la femme couvre ou découvre son corps, on le lui reproche toujours. Pour les transgenres, même pleins de bon sens, c’est pire, surtout aux yeux des pro-burkini.
Giovanna étant d’accord avec moi sur ce coup là, j’ai enfoncé le clou en lui prouvant qu’on pouvait également porter le voile sur le sable du Brésil, comme l’Égyptienne Doaa El-Ghobashi et son « hijab sportif » lors des JO de Rio en ce mois d’août 2016. Mauvaise perdante, mon amie rétorqua que c’était surement pour ça qu’elle avait pris une raclée face aux Allemandes en tenue nettement plus sexy…

Je n’ai pas contré l’argument. Il faut savoir calmer le jeu et faire en sorte que le fair-play domine les débats. Question de bon sens et de circonstances, surtout avec ma copine Giovanna. Qui sait ce qu’elle aurait pu encore inventer ? Elle est capable de tout, y compris de trouver le moyen de me faire aimer la plongée en talon aiguille…