LE SOVIET TIQUE ENCORE
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En 2017, les mentalités continuent d’évoluer, c’est certain.
Le problème, dans certains pays, c’est qu’elles ne le font pas dans le bon sens.
Dans la comédie musicale « La Belle et la Bête”, produite par les studios Disney, un personnage nommé Lefou est apparu sous un jour trop ouvertement homosexuel ! C’est du moins la théorie avancée par le député russe Vitaly Milonov pour interdire ce film aux moins de 16 ans, sous prétexte qu’il fait “propagande flagrante et éhontée du péché et des relations sexuelles perverses »… Pauvre et belle Russie face aux rudes et bêtes politiques.
Il faut dire que celui-ci n’en est pas à son coup d’essai. Membre dur de Russie unie, parti majoritaire de la Douma, Milonov arbore fièrement son homophobie, à l’instar de ces exhibitionnistes qui ne peuvent s’empêcher d’exposer leurs parties génitales à qui veut les mater. Ce sinistre sire, qui se vante parfois d’avoir organisé des raids dans les bars gays de Saint Petersbourg, est à l’origine de la loi anti-gay en Russie, qui fit couler beaucoup d’encre dès 2013 et qui couvrit le pays de ridicule à l’occasion des Jeux Olympiques d’hiver de Sotchi, en 2014. La même année, il avait fustigé Tim Cook, le patron d’Apple, simplement parce qu’il avait révélé son homosexualité. Selon le ruskoff rougeaud, cette annonce constituait un acte de propagande gay intolérable, une façon abjecte de rendre populaire cette sexualité déviante !
Une réponse magistrale lui fut donnée par une certaine Kseniya Infinity, patronne de club lesbien aussi malicieuse que réactive. Au cours d’un vol reliant Moscou à Saint-Petersbourg, la jolie jeune femme se rendit compte que le passager assis derrière elle et ses amies n’était autre que le politicien tristement connu pour ses lois et ses discours homophobes. Baisers lesbiens langoureux sur fond de tronche de cake Milonov… Et clic-clac, c’est dans la boîte ! Au grand dam de l’élu rétrograde de l’ex-Pétrograd, ces clichés sont rapidement devenus viraux sur internet. Ils ont allégrement franchi les frontières du pays, faisant trépigner de rage le gros Vitaly, qui menaça alors de fermer le club des lesbiennes en guise de représailles.
Le pauvre bougre n’était pas au bout de ses peines. Apprenant que deux femmes avaient pu s’unir légalement dans sa bonne ville de Saint-Petersbourg parce que l’une d’elles était encore administrativement un homme selon son état civil et ses papiers officiels, Milonov faillit imploser une seconde fois. Il se mit aussitôt à bricoler un projet de loi destiné à interdire le mariage entre transgenres en Russie ! Trop tard en tous cas pour empêcher Irina Shumilova et Alyona Fursova d’apparaître comme le premier mariage d’un couple homosexuel dans un pays où l’union entre personnes de même sexe reste formellement et farouchement interdite. L’ironie du sort voulut que ce mariage fut possible évidemment parce que les instances refusaient de reconnaître l’une des deux transsexuelles en tant que femme. Malgré un traitement hormonal régulier et une apparence féminine manifeste, elle demeurait titulaire d’un passeport mentionnant un sexe masculin. Elle demeurait prisonnière d’une pièce d’identité qui l’a finalement libérée de l’impasse administrative dans laquelle elle était censée la maintenir. Double moralité : les lois discriminatoires peuvent parfois se retourner contre leurs propres instigateurs, et la transphobie peut paradoxalement servir la lutte contre l’homophobie.
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Quid de notre piteux Vitaly Milonov après tout ce ramdam saint-pétersbourgeois ? Il semble qu’il soit de plus en plus sujet aux pétages de câble à répétition. La censure pour les moins de 16 ans concernant le film fantastique « La Belle et la Bête » fait presque figure de désaveu pour celui qui avait demandé l’interdiction totale de ce long métrage. Le mois dernier, il a carrément disjoncté en accusant les juifs d’avoir fait cuire des chrétiens dans des chaudrons puis de les avoir jeté en pâture à des bêtes sauvages ! Réprobation et stupéfaction générale. Historiens et sociologues ont affiché une perplexité abyssale suite à ces allusions déplacées aux persécutions de chrétiens par les judéo-bolchéviques. Aucun ne s’est donné la peine de plancher sur un débat inexistant. Cet épisode incongru et méconnu de l’histoire de Russie semble tout droit sorti d’un cerveau plus que perturbé. Il confine à l’absurdité paranoïaque et pose une autre question : celle de la santé mentale de Milonov. Et s’il ne pouvait déjà plus compter sur toutes ses fonctions, Vitaly ? La rumeur se fait persistante.
Le fait que ces nombreuses contrariétés le poursuivent et l’assaillent jusqu’en les murs de sa municipalité de Saint-Pétersbourg ne doit pas arranger les choses. Cela alourdit sa croix dans un calvaire qu’il ne comprend pas. Ces circonstances finiront-elles par devenir aggravantes aux yeux de Vladimir Poutine, autre ego excessif ?
Initialement, dans le dessin animé de la Belle et la Bête, Lefou est un personnage rondouillard, au visage porcin et au gros nez ridicule. Benêt indécrottable, il s’illustre souvent par sa bêtise et parfois par sa méchanceté. C’est lui qui, jouant sur les haines et les rancœurs, mène la horde de villageois vindicatifs jusqu’au château de la Bête pour en finir avec une situation et des choses qui le dépassent largement.
Toute similitude ou ressemblance avec une personne existant ou ayant existé…
N’a-t-on pas, en Russie, interdit aux filles comme nous de conduire ? Ne nous plaignons pas : ce film aurais pu être classe x. À l’époque de Cocteau et de Jean Marais, les soviets auraient vu rouge. Connaissant les deux lascars, les soviets préféraient voir le petit père des peuples fricoter avec des poissons rouges (décidément une couleur propice dans ce grand et beau pays ), mais ces temps sont révolus. Poutine va remettre de l’ordre et restaurer l’éducation et la bonne morale, donc la belle et la bête interdit au moins de 16 ans en attendant son interdiction pur et simple. Bisous les filles