WE EXIST – ON EXISTE – EXISTIMOS
(Écouter et visionner le clip avant de lire l’article)
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Ça commence doucement. Et puis ça bat plus fort. Comme un cœur avec ses émotions. La ligne de basse prend aux tripes. La batterie scande un tempo macho ma non troppo. La guitare électrise quelques résonances féminines compensées. Les images sont là pour mettre les poings sur les ils. Sans surprise. Le contraste est ailleurs. Dans l’éternel combat entre l’ombre et la lumière…
Il va crescendo. Le clair et l’obscur se répondent dans ce dialogue imaginaire entre un fils et son père. Conversation-conversion qui devient transmission. Transmission de pensées, de sentiments, d’évidences, d’espérances. Tout semble écartelé, coupé en deux. Trans-Mission. C’en est une également, évidemment. Tout se disjoint et tout se rejoint. Comme dans un coming out. Les séquences du clip déchirent et recollent ce qui fait une vie hors de la norme. Le scénario est connu. Couru d’avance. Jusqu’à l’affrontement, jusqu’à l’achoppement. Mais la chute n’est pas un échec. L’échec est de rester là où on est tombé. Socrate aurait pu le scander avec Arcade Fire.
Ce groupe americano-canadien basé à Montréal réunit une dizaine d’artistes parmi lesquels un noyau dur de sept multi-instrumentistes. Ils distillent une musique rebelle et plutôt allergique aux étiquettes. C’est un mélange de genres et d’influences qui se déforme, se reforme, se transforme en permanence. Au trio majeur guitare-batterie-basse, répondent piano, violon, violoncelle, alto, harpe, accordéon, synthé, percussions, xylophone, et même vielle à roue ! En concert ou en studio, l’échangisme est de mise entre les musiciens et leurs instruments. Leurs compositions sont des films dans tous les sens du terme. Pellicule fragile recouvrant la surface d’une matière plus dense ou succession d’événements mêlant images, impressions et sensations à partir d’une émulsion phono-sensible. Certains titres parlent d’eux-mêmes et nous plongent immédiatement dans un univers particulier : Wake up, Rebellion, Black Mirror, Neon Bible, My body is a cage, Ready to start, Half light, Reflektor, Afterlive, Supersymmetry, Everything now…
Et bien sûr, We exist ! La fin du clip, telle une résurrection, projette l’acteur Andrew Garfield (qui avait succédé à Tobey Maguire dans le rôle de Spider Man) sur le devant de la scène. Critiqué par une certaine mouvance LGBT -on en est encore et malheureusement là- ce choix est parfaitement justifié en ce sens qu’il amplifie le message en direction de tous les publics. En outre, celle qui coacha Garfield pour l’occasion n’est autre que la pianiste, auteur-compositeur transgenre Our Lady J, également impliquée dans l’écriture de la série tv Transparent. On est en famille. Et c’est ce qui importe. Cette chanson est une allégorie de ce que nous vivons tous, quelle que soit notre enveloppe physique ou sociale. On marche, on court, on tombe tous de la même façon. Et puis on se relève. On danse, même à contre-temps. On cherche un équilibre. La corde est raide mais tant qu’elle est horizontale, l’envie reste en suspens. On ira surprendre ailleurs si l’on est condamné ici. Du moment que le lien avec nos proches demeure intact et se nourrit de ceux que l’on aime, de ce que l’on est…
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En 2006, Pink tv m’avait envoyée à Montréal pour couvrir les Outgames mondiaux, sorte de jeux olympiques pour la communauté gay et lesbienne. Plus de 12.000 participants sportifs s’y étaient donné rendez-vous, conférant à cet événement une envergure internationale considérable. En comparaison, les Jeux Olympiques d’Athènes de 2004 n’avaient accueilli que 10.625 athlètes. Sur les traces de Jacques Cartier, j’avais fait des rencontres intéressantes. Je découvrais le Québec et une autre ouverture d’esprit. Les organisateurs étaient charmants, aux petits soins avec la journaliste sportive transgenre de la première chaîne gay et friendly française. Je les avais un peu taquinés à propos de l’appellation choisie. Outgames ne me paraissait pas très judicieux. Qu’il se place en préfixe ou suffixe, le mot “out” ne m’a jamais semblé très sympathique. De la même façon, je n’ai jamais aimé l’emploi de l’expression coming out. Comment la juger pertinente en matière d’intégration ou d’acceptation des différences ? On devrait plutôt dire coming in que coming out. Être out, dans le sexe, le sport ou la société, n’est jamais très gratifiant.
Durant cette semaine d’interviews et de reportages marathon, je n’avais guère eu le loisir de sortir (getting out) de mon champ d’investigation. Je m’étais simplement mais obligatoirement autorisé une soirée au Cabaret Mado, dans la bien nommée rue Sainte-Catherine. Tenu par Mado Lamothe, icône à mi chemin entre la transformiste humoriste et la dragqueen chansonnière, ce lieu interlope est un nid à surprises, sur la scène comme dans la salle. Une amie journaliste et son chum musicos (chum = petit ami, jules, amant, concubin, ou tout ça à la fois) me parlèrent alors d’un groupe que je ne connaissais pas et qui avait fait un tabac avec son premier album, sorti en 2004. La pochette exhibait une main ambigüe, apparemment masculine mais aux ongles vernis, tenant délicatement une plume d’écrivain qui se dédoublait et se prolongeait en un panache d’arabesques florales. Une overdose de symboles freudiens, et une palette d’évocations graphiques qui me renvoyait vers certains visuels Beatles ou Cat Stevens, fin des années 1960, début des seventies. Au bas de l’illustration, apparaissait le nom du groupe dans un désordre faussement anarchique : Arcade Fire ! Si j’étais restée quinze jours de plus, ils auraient pu m’emmener à un de leurs concerts.
Onze ans plus tard, ma fille Morgane m’adresse un mail avec le lien de la vidéo We Exist. Unique préambule du haut de ses 25 ans : « Clip qui va te plaire » ! Celle qui, au sortir de sa licence de droit à la Sorbonne, s’est tapée treize semaines de téléréalité pour défendre la cause transgenre avec un secret intitulé «Mon père s’appelle Brigitte», prolonge une fantastique connivence entre la fille et le père. Une transmutation en forme d’arcade ; arc de voûte dont nous sommes à jamais les deux colonnes, galerie ouverte sur les allées de nos émotions, point de jonction de deux entités qui n’en font qu’une. Les grands esprits se rencontrent parfois. Les bons esprit se retrouvent sans retour. Un jour, je reviendrai à Montréal, pas par besoin de revoir l’hiver, ni ses aurores boréales. J’y reviendrai avec ma fille et des souvenirs en devenir. On se promènera sur les bords du Village et au milieu du Saint Laurent. Un soir, je lui ferai la surprise d’un concert en plein air, sous un arche d’automne et de lumière. On sera tout devant et dès les premières notes de la basse, on fera signe aux musiciens. En agitant doucement les mains, on leur fera coucou. Sans rien leur dire, ils comprendront que c’est nous. Parce que l’on sait, eux comme nous, que cette réalité-là n’est pas près de s’arrêter. We Exist.
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WE EXIST – ON EXISTE – EXISTIMOS
They’re walking around
Ils se promènent
Están paseando
Head full of sound
Complètement sains d’esprit
La cabeza llena de sonido
Acting like we don’t exist
Agissant comme si on existait pas
Actuando como si no existiéramos
They walk in the room
Ils marchent à travers la pièce
Entran en la habitación
And stare right through you
Et te dévisagent de haut en bas
Y miran justo a través tuyo
Talking like we don’t exist
Parlant comme si on existait pas
Hablando como si no existiéramos
But we exist
Mais on existe
Pero existimos
Daddy it’s true
Papa c’est vrai
Papi es verdad
I’m different from you
Je suis différent de toi
Soy diferente a ti
But tell me why they treat me like this?
Mais dis-moi pourquoi ils me traitent comme ça?
Pero dime, ¿por qué me tratan así?
If you turned away
Si tu détournais les yeux
Si me dieras las espalda
What would I say?
Qu’est-ce que je devrais dire?
¿Que diría yo?
Not the first betrayed by a kiss
Pas le premier trahi par un baiser
No soy el primero traicionado por un beso
Maybe it’s true
Peut-être que c’est vrai
Quizás es verdad
They’re staring at you
Qu’ils te dévisagent
Te están mirando
When you walk in the room
Quand tu marches dans la pièce
Cuando entras en la habitación
Tell ’em it’s fine
Dis-leur: c’est bon,
Diles que está bien
Stare if you like
Regardez-moi si ça vous plaît
Mirad si queréis
Just let us through
Mais laissez-nous passer
Simplemente déjanos pasar
Just let us through
Laissez-nous juste passer
Simplemente déjanos pasar
They’re down on their knees
Ils sont à genoux
Están de rodillas
Begging us please
Nous suppliant “s’il vous plaît”
Suplicándonos por favor
Praying that we don’t exist
Priant pour qu’on existe pas.
Rezando para que no existamos
Daddy it’s fine,
Papa c’est pas grave,
Papi está bien
I’m used to them now
Je suis habitué à eux maintenant
Estoy acostumbrado a ellos ya
But tell me why they treat me like this?
Mais dis-moi pourquoi ils me traitent comme ça?
Pero dime, ¿por qué me tratan así?
It’s because we do it like this.
C’est parce c’est comme ça qu’on fait
Es porque lo hacemos así
Let ’em stare! Let ’em stare!
Laisse-les me fixer! Laisse-les me fixer!
Déjales que miren, déjales que miren
If that’s all they can do!
Si c’est tout ce qu’ils sont capables de faire!
Si eso es todo loq ue pueden hacer
But I’d lose my heart
Mais je perdrais mon courage
Pero perdería mi corazón
If I turned away from you
Si je me détournais de toi
Si me dieras las espalda
Oh Daddy don’t turn away
Oh papa ne détourne pas le regard
Oh Papi no me des la espalda
You know that I’m so scared
Tu sais que je suis effrayé
Sabes que tengo tanto miedo
But will you watch me drown?
Mais tu me regarderais me noyer?
Pero, ¿me verás ahogarme?
You know we’re going nowhere
Tu sais qu’on va nulle part
Sabes que no vamos a ninguna parte
We know that we’re young
On sait qu’on est jeunes
Sabemos que somos jóvenes
And no shit we’re confused
Et qu’on est paumés, sans déconner
Y no es coña que estamos confundidos
But will you watch us drown?
Mais tu nous regarderais nous noyer?
Pero, ¿nos verás ahogarnos?
What are you so afraid to lose?
Qu’est-ce que tu as si peur de perdre?
¿Qué tienes tanto miedo de perder?
Down on their knees
Ils sont à genoux
Están de rodillas
Begging us please
Nous suppliant “s’il vous plaît”
Suplicándonos por favor
Praying that we don’t exist
Priant pour qu’on existe pas.
Rezando para que no existamos
Down on their knees
Ils sont à genoux
Están de rodillas
Begging us please
Nous suppliant “s’il vous plaît”
Suplicándonos por favor
Praying that we don’t exist
Priant pour qu’on existe pas.
Rezando para que no existamos
We exist! We exist!
On existe! On existe !
Existimos, existimos
Maybe if you hang together
Peut-être que si tu as raison
Quizás si os mantenéis unidos
You can make the changes in our hearts
Tu peux changer ce qu’on est au fond de nous-mêmes
Podréis provocar los cambios en nuestros corazones
And if you hang together, you can change us
Et si tu as raison, si tu peux nous changer
Y si os manteneis unidos, podéis cambiarnos
Just where should you start?
Par où devrais-tu commencer?
Sólo que, ¿por dónde deberíais empezar?
Mon père, cette héroïne ❤️
Magnifique article