CONTAMINATION BLEUE
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Alors que la population mondiale atteint les 7,5 milliards d’individu, Facebook annonce que son réseau fédère désormais 2 milliards d’utilisateurs actifs sur la planète. La vague bleue n’en finit plus de déferler sur les surfeurs informatiques du monde entier. Qu’il soit technique ou politique, aucun défi ne semble insurmontable pour la société californienne établie à Palo Alto.
Lancé en 2004 à l’université d’Harvard, rapidement étendu à d’autres universités américaines et canadiennes, Facebook s’est lancé à la conquête du monde en septembre 2006. Dès 2012, il annonçait fièrement avoir dépassé le milliard d’utilisateurs. Total doublé en 2017 : la courbe de progression ne fléchit pas. Les USA, l’Europe, l’Inde et le Brésil fournissent le gros de la troupe. Le réseau social fait un carton au sein de la population française qui avoisine les 67 millions de personnes et dont 33 millions sont considérés comme utilisateurs actifs, c’est à dire qui se connectent au moins une fois par mois, tandis que 25 millions se connectent au moins une fois par jour. Si l’on considère que l’hexagone compte 56 millions d’internautes, on peut en conclure que la moitié ou presque sont accros à Facebook. Est-ce une drogue dure ? Le degré de dépendance qu’elle tend à augmenter régulièrement plaiderait pour une réponse positive. En tout cas, cette drogue dure depuis plus de dix ans et mute aussi rapidement que certains virus. Pire, elle tisse sa toile en la conjuguant avec d’autres agents chronophages : YouTube, Twitter, Instagram, Snapchat, WhatsApp, Linkedin, Pinterest… pour ne citer que les plus repérables. Ils jonglent tous avec les millions d’abonnés, et de recettes financières.
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De quoi voir la vie en rose pour certains. Ou en bleu pour Mark Zuckerberg. Les chiffres s’affolent autour des estimations concernant sa fortune personnelle : 49 milliards de dollars fin 2016, 56 milliards quelques mois plus tard, et selon Forbes, aux alentours des 65 milliards pour terminer l’année 2017 ! Il a bien fait de ne pas vendre sa petite entreprise en 2006. Le géant Yahoo, alléché par le ramage et le plumage d’une affaire pressentie juteuse, lui en avait proposé un milliard de dollars. Offre poliment mais fermement déclinée. Terry Semel, PDG de Yahoo à l’époque, confie : « Je n’avais jamais rencontré quelqu’un qui se désintéresserait d’un milliard de dollars. Mais il disait: “Ce n’est pas une question de prix. C’est mon bébé, et je veux continuer à le faire marcher, je veux continuer à le faire grandir. » On pourrait ajouter que se désintérêt pour le milliard est d’autant plus étonnant que Zuckerberg n’était alors âgé que de 22 ans. On connait des quadras, des quinquas et des etc qui se damneraient pour mille fois moins que ça.
C’est sans doute la différence entre les visionnaires et les autres. Mark Zuckerberg est un visionnaire bien particulier ; il est daltonien. Le célèbre logo avec son lettrage blanc sur fond bleu doit d’ailleurs son existence à cette singularité, la couleur bleue étant celle que Zuckerberg perçoit le mieux. D’origine génétique dans la grande majorité des cas, le daltonisme est une anomalie de la vision qui affecte la perception des couleurs, principalement une confusion entre le rouge et le vert. Aux USA, près de 10 % des hommes souffrent de déficience dans la reconnaissance des couleurs, contre 8 % en France. Cette anomalie, dont le nom scientifique est dyschromatopsie, n’est pas toujours un handicap. Elle entraîne une meilleure distinction d’autres couleurs, notamment les bleus, les gris et les noirs, ainsi qu’un repérage de nuances (notamment bleutées, violacées, grisées ou brunes) que les sujets normaux ne peuvent percevoir. Les spécialistes parlent de décalage de sensibilité dans le spectre visible. Cette sensibilité différente à la couleur, mais aussi à la lumière, procure alors des avantages sur les autres personnes, en améliorant par exemple la vision nocturne. Certains cabinets d’architecture sont même allés jusqu’à rechercher spécifiquement des daltoniens pour leur capacité à mieux visualiser l’espace. Selon leur type de daltonisme, certains chasseurs sont également réputés pour mieux repérer leurs proies dans un environnement confus. Un détail dont le chat, qui est dichromate, tire admirablement partie. Un détail qui n’a pas non plus échappé aux militaires. Ils se sont vite rendu compte que certains tireurs d’élite, capables de détecter des camouflages qui leurraient n’importe quel autre observateur, tenaient leur acuité visuelle de leurs tendances daltoniennes.
Pas étonnant, finalement, que Mark Zuckerberg, déjà propulsé dans le Top 5 des plus grandes fortunes mondiales, soit en passe de devenir l’homme le plus jeune le plus riche de la planète. Il n’a jamais su ce que c’est que d’être dans le rouge.
Je pensais que l’or et l’argent dominaient le monde, mais finalement c’est une autre nuance : la grande bleue 🙂