À MA POUPÉE
C’était une poupée, qui faisait now, now, now… Toute la journée, elle faisait now, now, now. Elle était tellement jolie que j’en rêvais la nuit. Mais toute la journée, elle faisait now, now, now. Personne ne m’avait jamais dit que je pouvais lui dire oui. À elle, qui sans me regarder, faisait now, now, now…
Elle était en vitrine, pas à Amsterdam mais à Paris. Ses grands yeux en amande, sa frange intelligente et son joli minois m’hypnotisaient. Douce fragilité. Elle était bien mise, posture délicate et vêture raffinée. Chaque jour en passant, je lui faisais un petit signe, une attention discrète, imperceptible de la foule ordinaire, connivence feutrée entre nous seules. Sans me regarder, je sais qu’elle me voyait. Et sans me le montrer, sans doute elle m’espérait.
Je me disais que nous aurions le temps. On se dit toujours ça, juste avant le regret. L’été a passé, rideau métallique baissé. Septembre est arrivé et rien n’a changé. La boutique est demeurée scellée. La prison sur nous s’est refermée. Elle à l’intérieur, moi à l’extérieur. Les deux en apesanteur. Loin de ses yeux, point de mon cœur. Derrière le volet, il m’a semblé l’entendre soupirer.
Soudain, j’ai compris ses now, now, now. C’était alors ou jamais. Toutes ses journées alanguies, tous mes rêves les nuits. J’aurais dû lui dire oui, oui, oui. Et maintenant… Maintenant, même en courant, on n’aura plus le temps. Elle reste là, séquestrée dans une maison close. Et moi, dans ma maison vide, dans ma chambre vide, je passe ma vie à écouter son souvenir qui me rappelle combien elle était belle.
J’entends l’automne et je n’attends plus personne.
…
Fais pas ça Brigitte !
On t’aime !
….