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Liliane Bettencourt (21 octobre 1922 – 21 septembre 2017), première actionnaire du groupe L’Oréal, est décédée hier à l’âge de 94 ans. La femme la plus riche du monde, avec une fortune évaluée selon Forbes à 40 milliards de dollars, est devenue la femme la plus riche du cimetière. Dommage qu’elle ne se soit jamais passionnée pour la cause transgenre. Nous aurions aujourd’hui un magazine trans, une radio trans, une chaîne de télévision trans, une magnifique salle de spectacle trans, un quartier parisien trans, une île paradisiaque trans…
Au lieu de cela, Liliane s’est enflammée pour le photographe François-Marie Banier et l’a couvert de ses largesses. Les enquêteurs de la brigade financière évoquent une somme de 993 millions d’euros perçue depuis 2001, alors que la rencontre avec la milliardaire remonte au milieu des années 1980. Le principal intéressé minore vigoureusement cette estimation, expliquant même qu’il avait beaucoup, beaucoup refusé…
L’affaire Bettencourt, déclenchée fin 2008 par une plainte de Françoise Bettencourt Meyers, la fille qui accuse l’ami de sa mère d’abus de faiblesse, donna lieu à plusieurs procès, assortis de maintes et maintes plaintes puis tergiversations entre les deux parties. En août 2016, la cour d’appel de Bordeaux avait tranché en rendant un verdict pour le moins insolite. Le journal Libération avait alors titré : « Banier garde l’argent sans passer par la case prison ». L’article précisait : « François-Marie Banier a été condamné à quatre ans de prison, au-delà du maximum légal en matière d’abus de faiblesse (trois ans), mais totalement assortis de sursis. En première instance, il avait écopé de trois ans, dont deux et demi ferme (plus une restitution très partielle de 160 millions d’euros aux héritiers). Le photographe mondain peut donc respirer sur ce point : il n’ira pas en prison. Banier est-il ce «renard dans le poulailler», selon l’expression du parquet, ce dandy dépouilleur d’une vieille dame grabataire abusant des largesses de la première fortune de France ? Ou simplement un fantasque compagnon de route de l’héritière de L’Oréal, laquelle, suffoquant sous les impératifs dynastiques ou capitalistiques, aimait respirer de temps en temps en dépensant son argent comme bon lui semblait ? (…) La justice pénale a dû s’en dépatouiller, avec cette seule boussole : à quelle date Liliane Bettencourt doit-elle être déclarée en situation d’abus de faiblesse – aux fraises, pour parler vulgairement ? Sauf que la gériatrie n’est pas toujours une science exacte. Tout le monde s’accorde pour considérer qu’elle était «ailleurs» en 2010. Mais qu’en était-il trois ans plus tôt, en 2007, quand elle faisait de Banier son légataire universel ? L’unité de compte de sa générosité passe de la centaine de millions aux milliards d’euros… »
Fin août 2017, l’AFP annonçait que François-Marie Banier et Françoise Bettencourt-Meyers avaient passé un «accord» pour mettre un terme à leurs «litiges». Contactés par le quotidien Le Monde, les avocats en charge du dossier s’étaient bien évidemment refusé à tout commentaire et depuis, rien n’a filtré au sujet du protocole transactionnel. Comme dans toutes les affaires de gros sous, on ne saura probablement jamais lesquels ont réellement été mis sur la table et lesquels sont restés en dessous. Les petits arrangements entre amis/ennemis sont là pour ça.
Il y a quelques années, lors d’une Gay Pride parisienne, j’ai croisé la route de François-Marie Banier. Je m’apprêtais à défiler en compagnie de Diana, l’une de mes plus fidèles complices, lorsqu’il nous a abordées avec un grand sourire et un enthousiasme bouillonnant. Nous formions un couple haut en couleurs qui l’intéressait bigrement mais il était en manque de pellicule noir et blanc. Il emprunta le téléphone portable d’un de mes amis pour passer une commande péremptoire auprès d’un assistant corvéable à merci. Il rendit le téléphone sans un merci et nous photographia avec un deuxième appareil. Il nous entraîna un peu à l’écart pour avoir un fond plus neutre, mais aussi et surtout pour mieux évincer d’autres chasseurs d’images. La photographie d’art ou de reportage ne se partage pas. Finalement, tout se passa très vite. Il prit ensuite nos coordonnées et nous promit l’envoi de clichés qui n’arrivèrent jamais. Le soir même, en rentrant dans nos humbles pénates, nous avions déjà l’impression que nous n’entendrions plus jamais parler de lui.
Et chaque fois que je repense à cette étrange rencontre, j’ai le sentiment tout à coup de m’appeler Liliane.
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