$DF

SANS  DOMICILIATION  FINANCIÈRE

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Le 8 décembre 2017, dans le Terminal 2F de l’aéroport de Roissy, c’est Noël avant l’heure pour un SDF qui fouille les poubelles et traîne savate sur le béton gris. Alors qu’il triture détritus et conteneur, il avise une porte métallique aussi triste qu’Orly le dimanche sous la pluie, mais s’ouvrant gentiment, comme par enchantement, sur un local inconnu. L’homme y jette un œil puis deux. Il a bien du mal à récupérer cette paire de prunelles, à laquelle il tient beaucoup, ainsi que son calme, sérieusement mis à mal par une incroyable découverte : des gros sacs de billets de banque pleins à craquer !

Sans le vouloir, il vient de réaliser le rêve de tout braqueur, et même de tout citoyen honnête ; se retrouver au beau milieu  d’une fortune en espèces et en libre-service ! Ils donneraient cher pour être à sa place, tous ceux et celles qui, ces dernières heures, l’ont toisé avec mépris ou ont détourné le regard en le croisant dans les couloirs. Des coups de chance comme celui-là n’arrivent pas tous les jours. En fait, il vient de pénétrer dans le sas sécurisé (un terme à revoir) d’une société de transport de fonds. Les sacs de fric qu’il contemple appartiennent à l‘entreprise Loomis, celle-là même qui alimente les distributeurs automatiques de billets et qui collecte l’argent liquide des commerces. C’est une caverne d’Ali Baba moderne qui vient de s’offrir à lui sans modération.

Le miséreux pas malheureux s’empare de deux gros sacs de toile bleu ciel gorgés de billets intraçables, car issus d’une collecte toute fraîche et donc dépourvus de tout marquage. Il ressort immédiatement puis disparaît tranquillement sous l’objectif impuissant des caméras de surveillance. Évaluation du transfert de fonds inopiné : 496.000 euros. Les enquêteurs chargés de l’affaire, un temps portés vers l’éventualité de complicités internes, avaient rapidement abandonné cette piste. Ce fric-frac étonnant n’a rien du coup monté. C’est bien le fruit du hasard. Le hasard ou la nécessité, pour un nécessiteux pécunieux. Comment a-t-il passé les réveillons et fêtes de fin d’année ? De façon fastueuse serait-on tenté d’espérer pour lui. À moins que ce hasard facétieux ne se soit tout à coup montré cruellement capricieux ?

Mercredi 21 février 2018, le vagabond verni de Roissy est interpelé dans un foyer de Seine-Saint-Denis suite à un banal contrôle d’identité. Ce nouveau ancien pauvre et ex-nouveau riche n’a plus un sou sur lui. Il reconnait avoir emporté les deux sacs de billets le 8 décembre 2017 : « Oui, j’ai pris l’argent. Il y en avait plein ! ». Mais il affirme avoir été enlevé et battu quelques jours plus tard. Contraint de révéler l’endroit où il avait caché son butin, il en a alors été dépouillé mais refuse obstinément de livrer la moindre information sur ses kidnappeurs dévaliseurs.

Le parquet de Bobigny ayant requis le placement en détention provisoire, notre insolvable $DF a la certitude et la maigre consolation de passer au chaud cette fin février très rigoureuse. Une information judiciaire pour vol aggravé a été ouverte à son encontre. D’où provient l’aggravation ? Du fait que ce vol (que l’on pourrait aussi bien qualifier d’emprunt, de collecte, ou de ramassage) a été commis dans un aéroport et dans un lieu destiné à l’entrepôt de fonds. On se décharge comme on peut des fautes des plus forts sur les malheurs des plus faibles. Le hasard lésine parfois sur la répartition des chances ou des responsabilités. Pas la justice des hommes.

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