UNE PRÉSENTATRICE TRANSGENRE À LA TÉLÉVISION PAKISTANAISE !
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Pour une fois que le Pakistan donne des leçons d’ouverture d’esprit au monde entier, ne boudons pas notre plaisir ! Depuis la semaine dernière, Marvia Malik est devenue la première journaliste transgenre à présenter les informations sur la chaîne privée pakistanaise Kohenoor News. Cette petite révolution a été commentée dans tout le pays et bien au delà. Elle a agité les réseaux sociaux et les internautes ont pris majoritairement fait et cause pour la nouvelle présentatrice, lui adressant de nombreux messages d’encouragements et de félicitations.
Marvia parle même de soutien et d’amour comme jamais elle n’en avait reçu auparavant, elle que sa propre famille n’a jamais acceptée ni reconnue. Elle avait à peine 15 ans lorsque son cercle familial l’a renié à cause de sa transidentité. Pour survivre, bon nombre de jeunes travestis ou transsexuels se retrouvant dans cette situation n’ont d’autre choix que de s’adonner à la prostitution ou la mendicité. Au Pakistan, les khawajasiras (terme désignant depuis toujours travestis, transsexuels, eunuques…) sont la plupart du temps relégués au rang de parias et victimes de toutes sortes de discriminations et agressions. C’est un paradoxe de taille dans un pays qui fut pourtant l’un des premiers à reconnaître juridiquement l’existence d’un troisième genre… mais où l’homosexualité est toujours déclarée illégale !
Marvia Malik s’en est sortie à la force du mental, décrochant un emploi dans un salon de beauté afin de financer des études universitaires de journalisme. Lors de son entretien d’embauche, elle a demandé au rédacteur en chef de la chaîne : « Préféreriez-vous me voir comme une mendiante, une travailleuse du sexe, une danseuse, ou bien me donneriez-vous un travail respectable sur votre chaîne » ?
En interne, cette candidature atypique ne fut évidemment pas du goût de tout le monde et certaines mauvaises langues prétendirent que ce recrutement reposait davantage sur un souci d’audimat et de buzz plutôt que sur des compétences professionnelles. Junaid Ansari, le propriétaire de la chaîne, trancha la question avec ce commentaire sans équivoque : « Elle a été embauchée en fonction de son mérite. Les personnes transgenres devraient être traitées avec dignité et respect. J’ai pris ma décision sur des motifs professionnels, en traitant tous les candidats de la même façon. Je ne pensais même pas à remettre en cause les normes sociales ou les tabous ».
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Kohenoor TV a donc avalisé ce choix courageux en faveur de celle qui, quelques semaines avant sa prise d’antenne, avait déjà fait parler d’elle en tant que mannequin transgenre sur le podium du PFDC Sunsilk Fashion Week, un défilé reconnu comme événement majeur de la mode.
Marvia a précisé : « Dans un pays comme le Pakistan, il est courant de se moquer des personnes transgenres. On attend de nous que l’on gagne notre vie en dansant, en mendiant ou dans la prostitution. Je n’ai eu le droit à aucune aide de ma famille. J’ai dû faire des petits boulots pour continuer mes études. J’ai toujours voulu être présentatrice et mon rêve est devenu réalité quand j’ai été sélectionnée. Je voulais entrer dans le monde des médias pour donner de la visibilité à la communauté transgenre. »
Objectif personnel atteint dans un premier temps, mais il reste un long chemin à parcourir pour faire progresser les mentalités. Quelques jours à peine après cette consécration médiatique, une transsexuelle était assassinée à Peshawar, une ville d’environ deux millions d’habitants, dans le nord-ouest du pays. Au cours des cinq dernières années, 55 meurtres de transgenres ont été officiellement enregistrés au Pakistan, soit quasiment un par mois. Une statistique plus qu’inquiétante. L’acceptation des transgenres est donc loin d’être généralisée. Le sénat pakistanais vient de proposer un texte de loi laissant aux transgenres la liberté de décider eux-mêmes de leur identité sexuelle ou de genre, sans passer par la case médicale. Cette proposition de loi envisage également une meilleure protection de leur intégrité physique et morale.
Marvia Malik va un peu plus loin en souhaitant la création d’une ONG luttant contre la discrimination de genre. Du haut de ses 21 ans supposés (elle a la coquetterie de ne pas vouloir indiquer son âge), elle déclare : « Je veux montrer la voie à la prochaine génération de transgenres. Je veux qu’ils se disent qu’ils peuvent être acceptés et qu’il y a de l’espoir. Je veux montrer que la communauté transgenre est capable de tout, même de présenter le journal télévisé. (…) Le changement commence à la maison. Il faut commencer à éduquer les parents. Il faut qu’ils arrêtent de penser que c’est une honte d’avoir des enfants transgenres ».
On est bien d’accord.