CENSURE HOMOPHOBE

RAFIKI


Elles sont jeunes. Elles sont jolies. Elles commettent le crime de s’aimer. Leur histoire doit donc être censurée. Sélectionné dans la catégorie “Un certain regard” du festival de Cannes 2018, le film kenyan “Rafiki” est interdit dans son pays d’origine. Sa réalisatrice, Wanuri Kahiu, est passée du statut de grande réalisatrice et fierté nationale à celui de traitresse et paria du septième art. Son film est pourtant loin d’être le creuset de perversions subversives dont les autorités l’accusent. Adapté du roman “Jambula Tree” de l’Ougandaise Monica Arac de Nyeko, il raconte la naissance d’un amour lesbien entre deux jeunes femmes issues de clans rivaux.

Le KFCB, comité kényan de classification des films, a décrété que ce long métrage devait être banni des grands écrans en raison « de son thème homosexuel et de son but évident de promouvoir le lesbianisme au Kenya, ce qui est illégal et heurte la culture et les valeurs morales du peuple kényan ». Ce communiqué d’un autre âge tente de justifier une position rétrograde qui avait déjà conduit à l’interdiction d’un autre film en 2014. Réalisé par un collectif d’artistes de Nairobi et intitulé “Les histoires de nos vies”, il donnait un coup de projecteur sur les conditions de vie de la communauté LGBT dans ce pays de l’Afrique de l’Est où les relations entre personnes de même sexe sont sévèrement réprimées. Les peines encourues pour ce chef d’accusation peuvent aller jusqu’à 14 ans de prison !

Consternée par cette décision, la cinéaste Wanuri Kahiu a déclaré : « Nous pensions que les Kényans adultes étaient assez matures et suffisamment capables de faire preuve de discernement pour regarder des productions locales, mais leurs droits ont été déniés ». Pour souligner l’ineptie et l’absurdité de cette censure, elle a ajouté : « les Kényans ont déjà accès à des films avec des thématiques LGBT, sur Netflix, et via les films étrangers qui sortent au Kenya avec l’autorisation du Comité de classification ». Mais Ezekiel Mutua, big boss du KFCB, n’en a cure. Le grand inquisiteur en chef, qui a la gueule de l’emploi et le prénom de la modernité antéchristique, demeure inflexible. Il plastronne dans son intransigeance crasse en se présentant comme “un fervent croisé de la morale”.  Avec cette déclaration et cette croisade d’arrière-garde, les Kenyans obtiennent au moins une confirmation : ils sont bel et bien gouvernés par des dirigeants moyenâgeux.

                 EZÉKIEL MUTUA                                                   WANURI KAHIU

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