UNE RÉVOLUTION CINQUANTENAIRE
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Les 30 et 31 mai 1968, dans les studios d’Abbey Road, à Londres, les Beatles enregistraient la première version de leur première chanson manifestement politique. De son vivant, leur manager Brian Epstein (décédé le 27 août 1967) avait toujours annihilé ce genre de velléités. Il surveillait particulièrement John Lennon et tempérait ses ardeurs dans ce registre jugé commercialement périlleux. Le printemps 1968 pour le moins agité et le rejet grandissant de la guerre du Viêt Nam ont constitué un double détonateur pour le plus politisé des Beatles, sollicité de toutes parts et de moins en moins enclin à faire des concessions.
Toutefois, la version première de Revolution, d’ailleurs baptisée Revolution 1, n’était pas aussi rentre dedans que celle fignolée par la suite. John avait commencé son écriture en Inde quelques mois plus tôt et la mouture enregistrée dans la nuit du 30 au 31 mai 1968 était moins nerveuse, plus blues. George Harrison et Paul McCartney n’étaient pas vraiment fans. Ils trouvaient le morceau trop lent. John ne lâcha pas l’affaire pour autant. Il concocta une deuxième version plus rapide et revint à l’attaque le 4 juin, lors d’un enregistrement mémorable. Jamais avare d’innovations, Lennon décida de chanter allongé sur le dos afin que sa voix sonnât différemment. L’ingénieur du son dut suspendre un micro juste au dessus du chanteur. Il choisit un modèle plus léger, de peur que le Beatles étendu ne se fasse rectifier le râtelier en cas de chute accidentelle de l’appareil. Plus tard, quelques ajouts furent tentés avec des percussions, de l’orgue, des trombones et des trompettes mais le résultat ne fit pas encore tilt.
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Plus opiniâtre que jamais, John Lennon finit par convaincre les autres Beatles de réinterpréter le morceau de façon plus rock, en accélèrant le tempo et en saturant les guitares électriques. Tout le monde s’y recolla donc du 9 au 12 juillet 1968. Pour obtenir l’effet de distorsion recherché, les techniciens d’EMI durent enfreindre les règles du studio et malmener le matériel. Les guitares furent branchées directement sur la console d’enregistrement, saturant complétement le canal. En réinjectant le son obtenu sur un second préampli, l’effet fut enfin validé par John Lennon. Son hurlement d’introduction donna ensuite le ton de la version la plus connue de Revolution. Par ailleurs, le contraste entre les halètements ou les “alright” éraillés de Lennon et les chœurs en voix de faussets ou les “shooobidoo wap waoum” du duo Harrison/McCartney furent une énième ironie des Beatles, tant sur la forme que sur le fond. Conviction et dérision. Où comment évoquer sérieusement des questions graves tout en gardant simultanément une distance plus légère. Les paroles allaient dans ce sens, illustrant à la perfection la difficulté pour une jeunesse contestataire d’opter pour la bonne décision.
Ce message est toujours d’actualité. On veut tous changer le monde, mais à quel prix ? Quelle destruction pour quelle reconstruction ? Quelle révolution pour quelle évolution ? On aimerait bien connaître le véritable plan, le projet définitif, mais nous ne sommes même pas certains de nos propres choix. Cette ambiguîté est parfaitement rendue dans l’ajout malicieux du “in” après le “out” qui affirme exclure l’auteur de toute action violente (when you talk about destruction, don’t you know that you can count me out… in !). Elle rejoint le contrepied enclenché par le titre “Revolution”, de premier abord percutant et annonçant le combat, mais proposant finalement une approche plus dubitative que vindicative. Au grand dam de certains admirateurs, John Lennon avoue en filigrane qu’il ne croit pas aux révolutions telles que d’aucuns veulent nous les vendre. Dans une interview, il précise : « Tout démolir, ça s’est toujours fait. Pour quel résultat ? Les Irlandais, les Russes l’ont fait, les Français aussi, et ça les a menés où ? Nulle part. »
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Cinquante ans plus tard, cette chanson “Revolution” n’a pas pris une ride, tout comme son auteur. Elle pose les jalons d’un mouvement pour la paix qu’il chercha à développer et promouvoir sans relâche. Elle ouvre la voie aux futures chansons engagées de John Lennon, de Working Class Heroe à Imagine, de Give Peace a Chance à Instant Karma en passant par Power to the People. Cet engagement lui ouvrira aussi les portes d’un enfer : celui d’un combat éreintant contre l’administration américaine de Richard Nixon. Et peut-être celles d’une fin tragique. It’s never be alright among people with minds that hate.
REVOLUTION
You say you want a revolution
Tu dis que tu veux une révolution
Well, you know
Bien, tu sais
We all want to change the world
Nous voulons tous changer le monde
You tell me that it’s evolution
Tu me dis que c’est l’évolution
Well, you know
Bien, tu sais
We all want to change the world
Nous voulons tous changer le monde
But when you talk about destruction
Mais quand tu parles de destruction
Don’t you know that you can count me out
Ne sais-tu pas que tu ne peux pas compter sur moi
Don’t you know it’s gonna be alright
Ne sais-tu pas que ça va être très bien
Alright, alright
Très bien, très bien
You say you got a real solution
Tu dis que tu as une vraie solution
Well you know
Bien, tu sais
We’d all love to see the plan
Nous aimerions tous voir ton plan
You ask me for a contribution
Tu me demandes une contribution
Well you know
Bien, tu sais
We are doing what we can
Nous faisons ce que nous pouvons
But if you want money for people with minds that hate
Mais si tu veux de l’argent pour des gens avec des esprits qui haïssent
All I can tell you is brother you have to wait
Tout ce que je peux te dire c’est mon frère tu peux toujours attendre
Don’t you know it’s gonna be alright
Ne sais-tu pas que ça va être très bien
Alright, alright
Très bien, très bien
You say you’ll change the constitution
Tu dis que tu changeras la constitution
Well you know
Bien, tu sais
We all want to change your head
Nous voulons tous changer ta tête
You tell me it’s the institution
Tu me dis que c’est l’institution
Well you know
Bien, tu sais
You better free your mind instead
Tu ferais mieux de plutôt libérer ton esprit
But if you go carrying pictures of chairman Mao
Mais si tu te trimbales avec des photos du président Mao
You ain’t going to make it with anyone anyhow
Tu ne vas pas le faire avec n’importe qui et n’importe comment
Don’t you know it’s gonna be alright
Ne sais-tu pas que ça va être très bien
Alright, alright
Très bien, très bien
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