« LA SAINT BARTHÉLÉMY DU SPORT »
La semaine dernière, dans le cadre du processus “Action Publique 2022”, le gouvernement demandait au ministère des Sports de prévoir la suppression de 1600 postes de CTS (conseillers techniques sportifs). Ce coup de machette dans les contrats ETP (équivalent temps plein) d’un ministère qui n’en compte que 3000 en tout, signifiait donc une réduction de plus de la moitié de ses effectifs, alors que dans le même temps, on lui demande d’être au top du top pour les Jeux Olympiques d’été organisés à Paris en 2024, avec en prime l’invraisemblable objectif d’y harponner 80 médailles au lieu des 42 rapportées de Rio ! Pas de quoi faire la ola pour toute nouvelle ministre des sports, Roxana Maracineanu…
À peine a-t-elle pris le relai de Laura Flessel que l’ancienne championne de natation doit ramer à contre courant pour éviter le sabordage du plus petit ministère français. En terme de budget pour 2019, il représente 450 millions d’euros, soit à peine 0,2 % du budget national ! L’annonce brutale de ces 1600 suppressions de postes a été qualifiée de “Saint Barthélémy du sport” par Philippe Bana, le président de l’association des DTN (directeurs techniques nationaux), qui, comme tout le monde s’interroge sur une telle aberration. Il poursuit : « Sur le hand, cela voudrait dire qu’on assassine tout l’encadrement de notre sport. Ce n’est pas qu’une affaire de vitrine. Que deviennent les gens qui s’occupent de la formation ou qui vont chercher les gamins ? Il y a une forme de mépris et de violence qui ne peut pas durer. (…) Il y a un paradoxe de demander au plus petit des ministères qui compte moins de 3000 postes de faire le plus gros effort. Ce n’est pas un effort, c’est une braderie. » Et de ce genre de braderie à une véritable estocade, il n’y a qu’un pas.
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Emmanuel et Roxana ont-ils évoqué le sujet dimanche soir au stade de France, lors de la célébration des mondialistes français après leur victoire 2-1 face aux Pays Bas ? Et dans la foulée, que s’est-il dit dans le long entretien que lui a accordé Édouard Philippe ? Ce lundi, la ministre des sports affirmait qu’aucun des 1.600 conseillers techniques sportifs visés par le projet d’économies de Matignon “ne perdra son emploi” et que le premier ministre l’avait « assuré de sa volonté d’avoir un budget du sport à la hauteur des enjeux ». Rétropédalage sincère ou énième façon de mener tout le monde en bateau ?
Cette affaire illustre bien la tendance politique du moment. Vous connaissez le triathlon, cette discipline qui combine natation, cyclisme et course à pied ? Et bien, cette affaire pourrait s’appeler le triathlon Macron. Un, on balance tout le monde à la flotte en se disant que le gros pavé dans la mare passera peut-être inaperçu. Deux, on enchaîne par le pédalage (ou le rétropédalage dans la semoule) sans prendre le temps de réfléchir un minimum. Trois, on tente de noyer le poisson en faisant marcher (ou courir) les gens jusqu’à épuisement des concurrents. La réaction de Roxana Maracineanu risque fort de n’être qu’un coup d’épée dans l’eau parmi tant d’autres. Elle ne serait pas la première ministre des sports à avaler des couleuvres avant de sombrer dans l’oubli. Aujourd’hui, tout le monde se dit d’accord pour revoir le mode de gestion des CTS et la ministre se donne deux ou trois mois pour faire évoluer la situation. Deux ou trois mois, cela nous amène en pleine période de fêtes de fin d’année. Sans être mauvaise langue, le problème des restrictions budgétaires à l’encontre du ministère des Sports ne sera sans doute plus d’une grande acuité dans l’esprit des Français à ce moment-là.
Un militant LRM (la République en marche) ne tarissait pas d’éloges à propos de Roxana Maracineanu, rappelant qu’elle était une grande sportive, athlète de haut niveau qui avait toujours su aller de l’avant et faire face à la difficulté en regardant loin devant elle. Sans renier ses mérites et son palmarès, je lui ferai simplement remarquer que tous ses titres ont été remportés en tant que spécialiste des épreuves de dos.
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