DIGICODE PRÉSIDENTIEL

À  DEUX  DOIGTS  DE  L’HONNEUR

Certains passent parfois à deux doigts du bonheur. D’autres préfèrent abuser des doigts d’honneur et, tant qu’à faire, exhiber leur tact majeur devant le plus grand nombre par objectifs interposés. On se souvient de ces deux jeunes de Saint-Martin et de leur selfie affligeant aux côtés d’Emmanuel Macron. Voici deux mecs, traînant la savate dans l’appartement familial situé au cœur d’un quartier modeste, qui, par la grâce d’une averse aussi violente que providentielle, se retrouvent en face du président de la république himself. Serrage de louche, accolade surréaliste et photographie dans la foulée. Les gars ont une chance incroyable.

Ils peuvent en profiter pour passer un message, improviser une candidature, lancer une idée ou une proposition, exprimer une demande ou un souhait, bref, utiliser ce court instant de célébrité pour tenter de s’extirper de leur mélasse quotidienne et amorcer un autre départ. Quelquefois une simple rencontre avec un décideur bien moins important qu’un chef d’état suffit à faire basculer une vie. Et bien que font nos deux lascars ? Un selfie présidentiel avec un magnifique doigt d’honneur au premier plan. La classe !

Le cliché fit rapidement polémique. L’attitude du président avait été autant critiquée que celle du jeune mis à l’index. Quid de l’autre loustic, celui à qui Macron avait fait la morale ? Il avait eu l’air d’entendre, à défaut d’écouter, les conseils que lui prodiguait son nouveau copain Manu : « Il ne faut pas rester comme ça, à faire des bêtises. Les braquages c’est fini ! Ta mère mérite mieux que ça ». Ta mère mérite mieux que ça… Une petite phrase qui fit son effet médiatique et marqua les esprits du grand public. Mais pas celui du principal intéressé. Quinze jours à peine après la rencontre et le selfie mémorables, il s’est fait serrer avec 25 pochons de cannabis ! Le doigt d’honneur, moins ostentatoire que celui de son acolyte, n’en est que plus symbolique. Condamné à huit mois de prison, dont quatre avec sursis, pour détention de stupéfiants et rébellion, le jeune homme est reparti libre du tribunal correctionnel, bien qu’en état de récidive pour des faits similaires en 2016.

Est-ce l’ombre de Manu 1er qui a plané sur la mansuétude des juges à l’égard de celui qui venait à peine de quitter la maison d’arrêt pour braquage ? Les plus optimistes diront que de braqueur à dealer, on perçoit une lente décrue dans le degré de délinquance. Le citoyen lambda, dont le casier judiciaire reste vierge mais la feuille d’impôts de plus en plus lourde à digérer, est perplexe. Le citoyen Benalla, ex-chargé de mission de l’Elysée mis en examen  pour des soupçons de violences et d’ingérence dans l’action de la police, a apporté sa pierre à l’édifice bancal de ce pataquès gigogne : « Avec moi, la photo n’aurait jamais pu être prise. Les mecs n’auraient pas pu toucher le président. Et le selfie, je l’aurais évité. Il (Emmanuel Macron) s’est fait avoir comme un lapin de six semaines » ! Évidemment ; un clou chasse l’autre.

Navrante d’un bout à l’autre, cette affaire est révélatrice d’un manque de maturité de tous ses acteurs. Passe encore pour des petites frappes habituées à parader d’un côté ou de l’autre du cordon policier. Mais que déduire des bourdes répétées de nos hauts dirigeants et de leur entourage, auto-proclamé expert ès communication ? Ce dernier point est peut-être devenu le talon d’Achille du système jupitérien français. La forme prime sur le fond. Une grosse enveloppe et pas grand chose à l’intérieur, à l’instar du ministère du même nom. La politique devient synonyme de communication, la communication d’apparences et les apparences de désillusions. Après la désillusion, ne reste plus que le désespoir. Et le désespoir est dangereux par les excès soudains qu’il légitime.

Parmi les réactions les plus virulentes, la deuxième lettre publique de Michel Onfray à Manu Macron :

https://michelonfray.com/interventions-hebdomadaires/lettre-a-manu-sur-le-doigte-et-son-fondement

 

One thought on “DIGICODE PRÉSIDENTIEL

  1. “Quelquefois une rencontre avec un décideur bien moins important qu’un chef d’état suffit à faire basculer une vie”…
    Oh oui ! Regardez, moi, par exemple ; un pur produit ibérique, débarqué avec un seul printemps au compteur dans un quartier d’habitations à loyer modéré de la banlieue thionvilloise nommé : La Côte des Roses. L’invention architecturale des années 60. Des tours en béton, aussi lépreuses que ses consœurs du 93, des Minguettes, ou des quartiers nord de Marseille, érigées à la gloire des pauvretés lointaines : l’Algérie, l’Espagne, l’Italie, le Portugal, ou encore le Maroc. C’est là que j’ai passé les 22 premières années de mon existence. Dans une de ces zones qui firent naître de nouveaux métiers, comme les Éducateurs Spécialisés et les Assistantes Sociales. Puis, le gouvernement baissa les bras, ferma le robinet, et tout vira à l’antichambre des asiles psychiatriques ou des maisons d’arrêt.
    Moi, j’eus la chance de rencontrer un type qui me fit très vite comprendre que l’avenir était ce qu’il y a au-delà de la main tendue. Un éducateur spécialisé qui n’était décideur que de sa philosophie de vie, et vous savez quoi ; je l’ai suivi.
    Alors je vais bien, merci, et j’ignore les doigts d’honneur. Thank you FIl.

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