ADIEU L’AMI
Les grandes trajectoires commencent souvent par de belles rencontres. En 1960, Philippe Leprêtre sympathise avec Jean Gouyé et lui confie qu’il est en train de rater ses études pour devenir professeur de lettres. Le second n’est guère plus sûr de son avenir que le premier, mais ils décident tous deux de s’inscrire au CFJ (Centre de Formation des Journalistes) à Paris… et c’est parti ! Jean Gouyé sera plus connu sous le nom de Jean Yanne (1933-2003) et Philippe Leprêtre deviendra Philippe Gildas.
Philippe Gildas opte d’abord pour la presse écrite avec la Nouvelle République du Centre-Ouest puis Combat, où il est secrétaire de rédaction. Entré ensuite à RTL, on lui demande un nom de radio. Il utilise alors le prénom de son fils et devient Philippe Gildas à partir de 1963. La télévision et l’ORTF font appel à ses services en 1969. TF1, Antenne 2, France Inter, Europe 1 : il zigzague alors entre radio et télévision. En 1985, est créée la première chaîne commerciale de télévision française : Canal +. Beaucoup ne lui prédisent aucun avenir. Ils la condamnent à une mort certaine et rapide. Philippe Gildas fait le pari inverse. Il y crée et produit le Top 50, y présente Direct Gildas, avant d’être appelé par Alain de Greef, directeur des programmes, pour animer une toute nouvelle émission intitulée Nulle Part Ailleurs.
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NPA et Philippe Gildas, ce sera une décennie de bonheur, de 1987 à 1997, et une des composantes clés de ce que l’on appellera l’esprit canal. Y sévit une joyeuse équipe avec notamment Les Nuls, les Guignols, les Deschiens, Albert Algoud, Laurent Chalumeau et les deux complices Antoine de Caunes et José Garcia, avec lesquels il formera un trio des plus marquants… Un de ceux qui vous font hâter le retour devant votre écran en fin de journée pour ne pas manquer leur prestation et leurs trouvailles du moment. Les temps ont bien changé… En 1998 Philippe Gildas anime la tranche du midi avec Un Autre Journal. En 2001, Canal + le nomme président de la chaîne d’informations I-Télévision, mais sa véritable dernière aventure débute en décembre 2007, avec le lancement de la chaîne Vivolta, principalement destinée aux séniors et à l’art de vivre. Elle n’aura pas le succès escompté et disparaitra progressivement des réseaux de diffusion après 2015.
Son autobiographie “Comment réussir à la télévision quand on est petit, breton, avec de grandes oreilles ?” publiée en 2010 aux Éditions Flammarion, boucle avec humour et précision un demi-siècle d’une carrière étonnante. Préface évidemment signée par Antoine de Caunes. Né à Auray (Morbihan), le 12 novembre 1935, Philippe Gildas meurt d’un cancer à Paris, le 28 octobre 2018. Certains fossoyeurs de Canal + viendront sans doute verser quelques larmes hypocrites sur sa tombe et se répandre en minuscules vanités dans les médias. Parasitages insignifiants. Philippe Gildas avait récemment confié ne plus regarder Canal depuis un an. Ses vrais amis, ici bas ou partout ailleurs, se souviendront principalement des larmes de joie et de “l’esprit canal” qu’il a contribué à étendre à la belle époque de la chaîne cryptée. Et de son rire impérissable.
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