FROID ? MOI, JAMAIS…
On se plaint actuellement d’une météo hivernale sur tout le territoire français, avec une baisse des températures de 10 à 15 degrés ? C’est de la roupie de sansonnet comparé à ce que connait une équipe de scientifiques isolée sur la base Concordia, au beau milieu de l’Antarctique. Le froid (peut-on encore l’appeler ainsi ?) y descend en dessous des -80 degrés ! Oubliez la pause clope en extérieur ou la bulle avec votre chewing-gum, sous peine de greffe labiale instantanée. Quant au déjeuner en terrasse, vous pouvez toujours tenter le coup… mais les photos qui suivent vous donnent une petite idée de la catastrophe annoncée.
Nous devons ces clichés à Cyprien Verseux. Ce jeune astrobiologiste français avait déjà participé à une expérience hors du commun entre 2015 et 2016. En compagnie de cinq autres volontaires, il avait vécu 365 jours enfermé sous un dôme à Hawaï. Cet isolement en vase clos durant toute une année était organisé par la Nasa afin d’étudier les conditions de confinement proches de celles engendrées par une mission martienne habitée. Apparemment, cette épreuve n’a pas dégouté Cyprien puisqu’il a replongé début janvier 2018 en s’engageant dans une deuxième mission d’isolement quasi-total, dans des conditions encore plus ahurissantes.
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Cette fois, le “terrain de jeu” se situe en plein Antarctique. La station scientifique Concordia est décrite comme la base la plus éloignée de la civilisation humaine. La plus éloignée du monde vivant serait plus réaliste ! Rallier cet endroit est déjà une gageure de plus de trois semaines, avec un départ de Tasmanie, au sud de l’Australie, un périple interminable à bord de l’Astrolabe, un énorme brise-glace qui secoue les organismes autant que la croûte gelée (d’où son surnom de Gastrolabe), une attente de six jours, la proue du navire fichée contre la banquise, avant que la météo et la logistique n’autorisent un hélicoptère à transborder l’équipe vers un point de décollage d’où un petit avion léger, spécialement affrété, risque le dernier saut jusqu’à la destination finale. Enfin, au milieu d’un immense désert blanc, émergent deux tours irréelles, reliées par un couloir rappelant une station spatiale. Entourées de quelques containers orange et structures métalliques, elles représentent l’unique planche de salut au milieu d’un océan de glace aussi menaçant qu’immobile.
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À 1200 km de la terre ferme, à 600 km des secours les plus proches, l’équipe de 13 scientifiques (une Française, une Autrichienne, six Italiens et cinq Français) va passer l’hiver austral dans un isolement total. Aucune possibilité de ravitaillement ni d’évacuation durant neuf mois ! Appendicite interdite. Lors des sorties, si vous tenez à votre cornée comme à la prunelle de vos yeux, conservez vos lunettes étroitement plaquées contre votre visage. Le nez, la bouche, les mains, le moindre petit morceau de peau… rien ne doit demeurer à l’air libre, qui est une véritable prison cryogène. À -80°, la marge de manœuvre est très étroite. Pour ceux qui entretiendraient encore quelques doutes à ce sujet, qu’ils aillent se faire cuire un œuf, ou plutôt qu’ils essayent, en extérieur :
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Le pique-nique eggs and bacon se métamorphose immédiatement en sculpture surréaliste. Sauf qu’on est bel et bien dans la réalité. Une réalité qui glace l’échine et hérisse les poêles à frire. Fromage ou dessert ? C’est du pareil au même ; il n’y a plus grande différence entre miel et raclette. Bonbons, caramels, esquimaux glacés : il n’y a même pas d’entracte dans la nuit polaire. Dans l’hémisphère sud, la nuit polaire se prolonge de mars à septembre. Cela implique que le soleil ne se lève pas au dessus de la ligne d’horizon. Ces quelques clichés ont été pris au moment où une activité diurne était encore possible.
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Le froid intense, l’obscurité, l’isolement, l’anti-gastronomie… Quelle contrepartie extraordinaire peut bien équilibrer ce jeu à la chandelle ? Selon Cyprien Verseux, la réponse est toute simple. Il suffit de relativiser le négatif et d’optimiser le positif, de se passionner pour les tâches à accomplir et de s’investir à 200 % dans la mission du moment. Entretenir le feu intérieur tout en gardant la tête froide. Un concept inversé d’omelette norvégienne, en quelque sorte. Il aurait pu ajouter une foi inoxydable en la science et en la technologie. Dans un environnement aussi hostile, on n’ose imaginer la réaction en chaîne catastrophique causée par un problème technique majeur. Pour peu que la défaillance d’un système ou l’influence d’un facteur inattendu impacte la viabilité de la station, et la vengeance de l’Antarctique les croquerait tout froid. 2018 Odyssée de lèse-glace.
Il est vrai que les conditions d’un voyage, puis d’un séjour prolongé hors de la Terre seraient encore plus extrêmes. Il faudra des surhommes pour encaisser de telles contraintes physiologiques et psychologiques si le progrès permet un jour ces explorations lointaines. La mission DC14, le quatorzième hivernage à Concordia, parait à la fois essentielle et dérisoire. C’est un ingrédient préliminaire dans une recette aléatoire, un avant-goût un peu rustique d’une tambouille du futur qui reste à inventer. Une chose est certaine : on n’est pas près de ripailler et de fêter les saturnales en direct de Mars. Nos treize hivernants de Concordia en savent quelque chose, eux qui de février à novembre 2018 ont fait une cure de surgelés sans même avoir besoin de congélateurs. Il faut vraiment avoir faim d’aventures et de découvertes pour supporter un tel régime durant neuf mois.
Récemment, Cyprien Verseux, le chef de la mission, confessait tout de même avoir une petite envie de crudités : « commander une salade César bien fraîche ne me déplairait pas »… Lui et ses équipiers rejoindront la civilisation pour les fêtes de fin d’année. Après les entrées crudités, on ne sait trop sur quels plats principaux se porteront leurs choix. En dessert, nous suggérons bûches et marrons glacés… Ou peut-être quelques œufs à la neige ?
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Par ces températures, je plains celui qui a une envie pressante lors d’une sortie. Bisous les filles.
Au moins les alentours de la station restent propres ! On devrait instaurer les mêmes températures dans certaines rues de Paris, à proximité des gares et à la sortie des stations de métro.
Ça jette un froid tout ça ! Je propose de les abonner à Fluide Glacial ! Lol.
Ici ce sont les Caraïbes en comparaison ! Demain, je tente le maillot de bains ! Ou pas ! Merci pour ce partage glacial !
Plein de bisous