LAÏKA
Il y a 62 ans et des poussières, le 3 novembre 1957, une petite chienne nommée Laïka s’envolait à bord de l’engin spatial soviétique Spoutnik 2. Elle devenait le premier être vivant placé en orbite autour de la planète Terre et accédait ainsi à une notoriété mondiale. Au prix de sa vie…
Un mois plus tôt, le 4 octobre 1957, Spoutnik 1, le premier satellite artificiel, avait été lancé depuis le cosmodrome de Baïkonour par l’URSS (Union des Républiques Socialistes Soviétiques). Le succès de cette mission eût un retentissement planétaire auquel les dirigeants soviétiques eux-mêmes ne s’attendaient pas. Leur numéro 1, Nikita Khrouchtchev, premier secrétaire du parti communiste de l’Union soviétique de 1953 à 1964, comprit immédiatement qu’il pouvait tirer un immense avantage de cette situation. En pleine guerre froide, les prouesses russes dans le domaine de l’astronautique apparurent soudain comme le moyen idéal de damer le pion aux USA dans la course pour la conquête de l’espace et d’affirmer une supériorité technologique hyper-médiatisée.
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Illico presto, en ce début octobre 1957, Khrouchtchev convoqua Sergueï Korolev, le responsable en chef du programme spatial soviétique, et lui demanda si son équipe était capable de franchir un cap supérieur en envoyant un être vivant dans l’espace. « Affirmatif ! » lui répondit Korolev, précisant que ce pari tout de même audacieux était réalisable avec un chien. Spoutnik 3, un satellite plus sophistiqué, était d’ailleurs à l’étude dans cette optique et pouvait raisonnablement être lancé fin décembre. Beaucoup trop tard pour le chef d’état, qui avait en tête la date symbolique du 7 novembre 1957, quarantième anniversaire de la révolution bolchévique de 1917. Cela ne laissait que quatre petites semaines pour construire Spoutnik 2 et concevoir la nouvelle mission ! Un travail titanesque dans l’urgence, sans aucune possibilité de réaliser les tests de fiabilité d’usage, et encore moins de procéder à de quelconques essais préalables. Il fallait avant tout impressionner, voire humilier les Américains, et en mettre plein la vue au monde entier.
Et Laïka dans tout ça ?
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Pendant ce temps, dans les rues de Moscou, une petite chienne très éveillée et débrouillarde, menait sa vie de chien errant au gré de ses envies et de ses rencontres. Certaines nuits étaient bien froides et elle ne mangeait pas tous les jours à sa faim, mais elle était libre. Libre jusqu’à l’instant fatidique où elle fut capturée sur le trottoir moscovite et transférée dans un curieux centre d’entraînement pour chiens cosmonautes ! Elle y retrouva deux autres chiennes, Albina et Mouchka, aux parcours similaires. Peut-être même, s’étaient-elles déjà croisées auparavant dans les rues de la capitale russe ? Quand elle intègra cette académie canine de l’espace, Laïka ne s’appelait pas encore Laïka. À quoi sert un nom quand on est totalement libre ? Le personnel qui prit soin d’elle lui donna plusieurs surnoms : Zhoutchka, Limontchik, ou Koudryavka, qui signifie “petite boucle” ou “un peu bouclé”, et qui explique pourquoi certains médias, tel le quotidien français La Croix, l’appelèrent longtemps Frisette. Mais Laïka était plus facile à prononcer et à mémoriser pour les non-soviétiques. Ce mot signifie “aboyeur” et il est également employé pour désigner certains chiens bâtards de type husky. Âgée d’environ trois ans et pesant 6 kg, Laïka était justement issue du croisement d’un husky et d’un terrier. Son sens de la débrouillardise, son caractère calme, sa flexibilité intelligente (expression plus juste que le terme docilité parfois employé pour la décrire) et son regard légèrement interrogatif la distinguèrent rapidement des autres candidates. Tandis que sa copine Albina volait sur un missile pour des tests en haute altitude et que sa copine Mouchka se coltinait les vérifications de l’instrumentation et l’équipement autonome de survie, Laïka fut sélectionnée pour le poste de premier commandant de bord hors de l’atmosphère terrestre. Les entraînements furent pénibles. Ils impliquaient de longues périodes de confinement dans des espaces de plus en plus réduits, des tests en centrifugeuses, des passages dans des machines reproduisant les bruits et les vibrations du vaisseau spatial, des repas uniquement composés de gel nutritif, ou plutôt d’une gélatine tirée du collagène de tissus animaux mêlée à une base de viande, de pain en poudre et de graisse… Il fallut aussi endurer une oppressante combinaison de cosmonaute fixée aux parois capitonnées de la capsule et reliée à un réservoir en caoutchouc recueillant l’urine et les excréments. Mais Laïka était un bon petit soldat. Elle surmonta toutes ces épreuves, et bien d’autres, sans rechigner.
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Sur les photos de propagande, car cela en fait plus que jamais partie, le rendu semblait sympa. À vivre au quotidien et en accéléré, ce fut un enfer. On avança le jour du grand départ du 7 au 3 novembre 1957. Laïka fut placée dans le satellite dès le 31 octobre, soit trois jours avant le décollage, pour des raisons aussi obscures que les arcanes du Kremlin. À cette période de l’année, à Baîkonour, en plein milieu du Kazakhstan, il fait un temps à ne pas mettre un chien de traineau dehors. On bricola un tuyau relié à un radiateur pour maintenir la cabine au chaud et deux assistants furent chargés d’alimenter et de surveiller la chienne en permanence. Son pelage fut badigeonné avec une solution faiblement alcoolisée. On enduisit d’iode les parties du corps où étaient implantées les électrodes contrôlant ses fonctions corporelles. À 2H30, le lanceur R-7 propulsa enfin la fusée dans l’espace. Laïka, d’habitude si calme, s’affola et s’agita anormalement. Durant la phase d’accélération maximale, les battements de son petit cœur passèrent de 103 à 240 pulsations par minute. Le monde apprit alors qu’un chien était le tout premier pionnier de la conquête de l’espace et qu’il entamait d’incroyables rotations autour de la Terre. Ce fut l’événement inter-sidérant de l’ère moderne. Plus près des étoiles que quiconque avant elle, Laïka devint une superstar supranaturelle. Ses photos firent le tour de la terre aussi rapidement que son Spoutnik 2. Des pièces, des timbres, des objets diverses furent frappés à son effigie.
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Nikita Crouton en chef et ses sbires jubilaient. Le succès de cette deuxième mission surpassait celui déjà phénoménal de la première. Laïka stupéfiait le monde. Elle était en train d’émouvoir la planète entière. Durant les jours suivants, l’agence Tass et les responsables soviétiques furent assiégés, courtisés, sollicités de toute part. Les bulletins d’information officiels étaient attendus avec fébrilité. Plus cabots que jamais, les spécialistes et les apparatchiks russes se répandirent en communiqués dithyrambiques au sujet de leurs performances et de leurs projets spationautiques. Laïka, la petite aboyeuse de l’espace, était leur meilleur atout. Un atout majeur, un atout maître… mais un atout mort.
Les soviets suprêmes eurent beau pavoiser et s’enorgueillir de leur supériorité avérée devant les caméras et les radars du monde entier, le feuilleton savamment distillé jour après jour et vantant la bonne forme de leur première spationaute canidée était totalement erroné, intégralement falsifié. En réalité, Laïka ne survécut que 5 à 7 heures maximum après le décollage retentissant de son mini-astronef. La mise en orbite fut bien effectuée comme prévu, mais pas la séparation du dernier étage de la fusée. Une partie du revêtement isolant du satellite se déchira. Le système de régulation thermique du satellite, un simple ventilateur devant se déclencher aussitôt que la température de la cabine excédait 15°C, tomba en panne. Avec une température dépassant les 40°C, espérer capter le moindre signe de vie relevait dès lors de la pure utopie. Laïka est vraisemblablement tombée dans un coma fatal qui, espérons-le, aura abrégé les souffrances dues à la chaleur intense et la déshydratation inexorable. Les communiqués continuèrent pourtant d’annoncer le succès complet de la mission et la survie de l’animal des jours durant.
La niche la plus chère du monde, désormais cercueil silencieux, continua de faire grand bruit autour du sort réservé à l’animal. Des scientifiques et responsables haut placés entretinrent un moment l’espoir imbécile d’un retour sur terre alors que Laïka avait été délibérément sacrifiée dès le départ. Ses réserves de nourriture et d’oxygène étaient prévues pour à peine une semaine alors que Spoutnik 2 devait accomplir une course folle de près de cinq mois ! Même pour le plus Rantanplan des humains, le calcul était vite fait.
À 90 ans, Adilia Kotovskaïa, la biologiste qui prépara Laïka pour son voyage sans retour, raconta leur dernière entrevue la veille du décollage : « Je suis allée la voir. Je lui ai demandé de nous pardonner et j’ai pleuré en la caressant une dernière fois ». En 1998, après l’effondrement du régime soviétique, Oleg Gazenko, l’un des responsables du programme, formula lui aussi des regrets touchants quant au sort réservé à Laïka : « Plus le temps passe, plus je suis désolé à son sujet. Nous n’aurions pas dû le faire… Nous n’avons pas appris suffisamment de cette mission pour justifier la mort de cette chienne ».
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Spoutnik 2 s’est désintégré en entrant dans l’atmosphère le 14 avril 1958, après avoir accompli 2570 révolutions autour de la Terre. La mémoire de Laïka lui survit encore aujourd’hui. Cette petite chienne, décidément unique, fut également la première à initier une prise de conscience collective en faveur du respect des animaux utilisés dans les expériences scientifiques. Le plus bel hommage lui fut rendu par le groupe espagnol Mecano dans son album Descanso Dominical, sorti en 1988. La chanson, qui s’intitule sobrement Laïka, est l’une des plus poignantes que j’ai pu écouter. Je me souviens avoir un peu hésité avant de l’expliquer et la faire découvrir à ma fille Morgane, alors âgée d’une douzaine d’années. Nous avons pleuré ensemble, comme il m’arrive encore de pleurer à chaque fois que je ré-écoute cette musique et ces paroles magnifiques. Et comme j’aime partager ces émotions rares, je vous en livre ci-dessous une version vidéo, accompagnée du texte original et de sa traduction en français.
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LAÏKA
Era rusa y se llamaba Laika
Elle était russe et se nommait Laika
Ella era una perra muy normal
Elle était une chienne tout à fait normale
Pasó de ser un corriente animal
Elle passa de l’état de simple animal
A ser una estrella mundial
Au statut de star mondiale
La metieron dentro de una nave
Ils l’ont mit dans une navette
Para observar la reacción
Pour observer ses réactions
Ella fue la primera astronauta
Elle fut la première astronaute
En el espacio exterior, en el espacio exterior
Dans l’espace extérieur, dans l’espace extérieur
Preparado está ya el cohete para zarpar
Préparant la fusée pour son lancement
El control en tierra dice adioooooos, adios
Le centre de contrôle lui dit adieuuuuuu, adieu
En la base todo era silencio
Dans la base tout était silencieux
Esperando alguna señal
Guettant le moindre signal
Todos con los cascos en la oreja
Tous avec leurs casques sur les oreilles
Oyeron a la perra ladrar
Ils entendirent la chienne japper
Mientras en la tierra una gran fiesta
Pendant qu’il y avait sur terre une grande fête
Gritos, risas, llantos y champagne
Cris, rires, pleurs et champagne
Laika miraba por la ventana
Laika regardait par la fenêtre
Que será esa bola de color ?
Que peut bien être cette boule de couleur ?
Y que hago yo girando alrrededor ?
Et qu’est-ce que je fais à lui tourner autour ?
Preparado está ya el cohete para zarpar
Préparant la fusée pour son lancement
El control en tierra dice adioooooos, adios
Le centre de contrôle lui dit adieuuuuuu, adieu
Una noche por el telescopio
Une nuit, au travers du télescope
Una nueva luz apareció
Une nouvelle lumière eapparut
Nadie pudo darle una explicación
Personne ne put fournir une explication
Al asomo del nuevo sol
À l’apparition de ce nouveau soleil
Y si hacemos caso a la leyenda
Mais si l’on en croit à la légende
Entonces tendremos que pensar
Alors nous devons nous résoudre à penser
Que en la tierra hay una perra menos
Que sur la terre il y a une chienne en moins
Y en el cielo una estralla más,
Mais dans le ciel une étoile en plus,
Y en el cielo una estralla más
Et dans le ciel une étoile en plus
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Bien le reportage de Laika plus les paroles de la cancion en espagñol
Voilà une histoire bien triste, que je ne connaissais pas. Navrant pour une histoire d’une guerre de machos qui d’un coté comme de l’autre voulait diriger la planète… paix à son âme !
C’est très beau. On se rend compte jusqu’où peut aller la férocité humaine. De sacrifices en sacrifices, pour la gloire d’untel ou d’un autre. Tout cela n’est qu’horreur et lamentations. Mais qui sommes-nous?????