DÉCEPTION
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Bernard est un ami provincial qui est arrivé à Paris lundi dernier. Bernard est un peu naïf mais Bernard est très gentil. Un peu soupe au lait parfois, mais tout de même très gentil. Il devait visiter la capitale toute la semaine et repartir dans son Auvergne natale ce week-end. Mercredi matin, il jeta un œil par dessus mon épaule alors que je préparais une commande de bas couture chez un fabriquant français bien connu, un fabriquant qui a mes faveurs (et ma fidélité) depuis quelques temps déjà. Les ambassadrices de la marque et leurs jambes sensuellement gaînées de nylon l’hypnotisèrent littéralement.
Il avisa la publicité ci-dessus et me demanda si elle était conforme à la réalité. Je lui assurai que oui. J’ajoutai, qu’ayant déjà eu recours à leurs services, je n’avais jamais été déçue. Mieux : la livraison parisienne se faisant quasiment toujours en 48 heures chrono, elle avait, selon mon estimation, de grandes chances d’intervenir ce vendredi 21 février. Il insista alors pour m’offrir plusieurs paires de bas, que nous commandâmes immédiatement. Il me précisa qu’en mon absence, il serait là pour réceptionner la marchandise. Je lui répondis que ce n’était peut-être pas la peine de gâcher une matinée à attendre cette livraison. Il insista derechef en me disant que ça ne le dérangeait absolument pas et qu’il n’avait, de toute façon, pas grand chose d’autre à faire ce matin-là. En rentrant chez moi ce vendredi soir, je fus étonnée de ne pas le retrouver dans mon appartement. Le colis, en revanche, était bien là, posé sur la table du salon, avec un petit mot de Bernard. Il m’annonçait que mes clefs étaient dans ma boîte aux lettres et qu’il avait brusquement décidé de repartir chez lui, très déçu.
C’est un gros facteur moustachu en bicyclette qui avait assuré la livraison à mon domicile !