À LA TIENNE, ÉTIENNE !
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Je n’ai jamais très bien su qui était cet Étienne. Ni à qui, ou à quoi, il pouvait bien tenir. En revanche, à la première écoute, et surtout dès que je l’ai vue, j’ai eu l’impression savoir qui était Guesch Patti. J’ai compris instantanément qu’elle était danseuse, chanteuse, actrice, chorégraphe, et bien d’autres choses encore, surgissant de notre imagination et de son clip magnifique, qui illumina l’année 1988 de sa savante indécence. Une indécence suffisamment décente pour passer à la télévision et effeuiller des images taquinant nos pensées de fantasmes tout à coup autorisés, prolongeant ceux qu’avait esquissé Axel Bauer quelques années plus tôt avec son Cargo de Nuit, sublimé lui aussi en noir et blanc par Jean-Baptiste Mondino.
Guesch Patti est apparue comme par magie fin 1987, avec ce single “Étienne”, extrait de son premier album intitulé “Labyrinthe”, dont elle a signé les trois quarts des textes. Sa passion première n’est pourtant ni la chanson, ni la composition musicale. Très tôt, elle se consacre à la danse classique. À neuf ans, elle est petit rat à l’Opéra de Paris, à quinze, elle est engagée par Roland Petit, à vingt-deux, elle opte pour la danse contemporaine et collabore avec Joseph Russillo, Carolyn Carlson, Karlheinz Stockhausen… Le début des années 1980 la fait de plus en plus virevolter entre la danse et la chanson. Elle se fait remarquer en duo, en trio, et puis bingo ! Étienne s’amène ! Carton en France, en Italie, en Suisse, en Allemagne, en Autriche… Victoire de la musique à Paris, dans la catégorie Révélation Féminine, devant Vanessa Paradis et Maurane…
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Guesch Patti séduit. Guesch Patti intrigue. Guesch Patti étourdit. Elle incite et invite. Très vite, elle sort un deuxième album, “Nomades”, en 1990, puis un troisième, “Gobe”, en 1992, enregistré à Minneapolis (USA), dans les studios de Prince et produit par son ancien batteur, Bobby Z. Elle se consume dans des tournées européennes, des concerts aux USA et au Canada, puis revient en France pour concevoir son quatrième album “Blonde”, en 1995. C’est le temps des collaborations avec Matthieu Chedid, Étienne Daho, Françoise Hardy… Son ultime et cinquième album, “Dernières Nouvelles”, arrive cinq ans plus tard, en 2000. Il annonce un épilogue. Empreint d’une étrange nostalgie, il laisse entrevoir une douleur insidieuse, une sorte de mélodrame intérieur qu’il serait de plus en plus difficile de canaliser, de distiller, de transformer par la musique et les mots. À quoi rêve l’artiste ? Probablement plus au chant. Elle en a fait le tour.
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Alors, Guesch Patti renoue avec la danse et la chorégraphie. Elle alterne plusieurs créations de danse contemporaine et des apparitions au cinéma. Besoin irrépressible de réinvestir l’expression corporelle pour celle qui fut aussi la filleule de Bernard Blier ? Les années 2000 la voient se lancer à corps perdu dans le théâtre. Une dizaine de pièces se succèdent à un rythme soutenu et viennent étoffer un cv déjà très diversifié. Elle n’est plus connue du grand public mais ne brigue pas la notoriété. L’a-t-elle jamais recherchée ? Depuis 2015, elle a doucement pris ses distances avec les projecteurs. Elle fête aujourd’hui ses 75 ans avec une discrétion singulière. Contraste saisissant avec le tonitruant Étienne.
Il suffit de plonger à nouveau dans ce clip pour en mesurer l’immensité. En 2021, on peine à trouver une telle modernité dans la sensualité, un érotisme aussi débridé dans une mise en scène pourtant millimétrée. Noir et blanc enivrant, monocle chauve et fourrure immaculée, tailleur strict et jupe entravée, gestuelle saccadée et suggestion calculée, résille couture et talon aiguille, perfecto macho et cabaret-tripot… Et soudain, elle enlève le haut ! Guesch Patti devient passerelle, connexion, trait d’union. Barabara-Jeanmaire, jusqu’à Madonna qui lui volera le chatterton noir en croix sur les tétons. Et cette chaise-partenaire qui va et vient au gré de postures inespérées, d’échancrures désirées, de cambrures consumées. Le tango sado-maso devient si langoureux qu’on se rêverait volontiers esclave soumise, alanguie et disponible, lascive mais impulsive, car, au final, c’est bien la femme qui mène la danse et l’homme qui succombe à la transe. Ce crescendo érotique, cette libido acrobatique, ce swing cathartique, inhibitions initiales qui explosent en exhibition finale, tout cela n’était pas un rôle facile à tenir avec élégance et flamboyance. Pourtant, mieux qu’Étienne, Guesch Patti, formidable oiseau de nuit, l’endosse à merveille. Sur la scène et dans nos mémoires, qu’est-ce qu’elle le tient bien !
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Étienne, Étienne, Étienne
Oh, tiens-le bien
Baiser salé, sali
Tombé le long du lit
De l’inédit
Il aime à la folie
Au ralenti
Je soulève les interdits
Oh, Étienne, Étienne, Étienne
Hmm, tiens le-bien
Affolé, affolant
Il glisse comme un gant
Pas de limite
Au goût de l’after-beat
Reste allongé
Je vais te rallumer
Étienne
Hmm oh oh oh
Na na na na na na na
Na na na na na na na
Ouhhh
Étienne, Étienne, Étienne
Oh, tiens-le bien
Alléché, mal léché
Accolé, tout collé
Reste alangui
Je me sens étourdie
Toute alourdie
Mais un très grand appétit
Oh, tiens-le bien
Délassée, délaissée
Enlacés, élancés
Si je te mords
Et encore et encore
Pendant le dos
Je souffle le mot
Oh, Étienne
Oh
Na na na na na
Na na na na na na na
Étienne, Étienne, Étienne
Oh, tiens-le bien
Na na na na na na na