ÂMES SŒURS
Maître dans l’art du mimétisme, le caméléon est une des manifestations les plus déroutantes et fascinantes dans ce que l’on pourrait qualifier de « travestissement de survie ». Capable de changer de couleurs plusieurs fois par minute, ce reptile a la faculté d’imiter le lieu ou l’objet auquel il est rattaché afin de passer inaperçu aux yeux de ses prédateurs et de ses proies.
L’humain procède de la même façon, au niveau collectif ou individuel. Tous les jours, il se travestit consciemment ou inconsciemment. Par politesse, par paresse, par ambition, par timidité, par indifférence, par commodité, par hypocrisie, par agressivité, par ignorance, par calcul, par indécision… il cherche à adopter la position et l’apparence de ce (ou de ceux) qui lui semble être le plus sécurisant et le moins risqué. Instinct de survie ou réflexe de sous-vie ?
Le domaine de l’art produit toutefois des contre-exemples qui aident à vivre et activer d’autres métamorphoses. Des idées et des personnalités agissent comme un mimétisme inversé, comme une acceptation et une assimilation des différences -pas seulement de couleurs- qui viendraient de l’intérieur. Leurs créations, ou leurs récréations, au delà de leur beauté ou leur originalité, nous emmènent toujours un peu plus loin que ce que l’on voit, que ce que l’on croit. Elles « caméléonisent » une partie de notre subconscient avec un effet immédiat ou différé, selon notre sensibilité.
Ces rencontres avec le beau ou l’étrange initient en nous une modification rampante et positive, dans le sens évolutif du terme. Même si on ne peut pas vraiment la quantifier ou l’exprimer sur le moment, on sait que cela nous fait du bien. Comme ce tableau mouvant de Johannes Stötter et ses créations « Human Frog », sidérantes dès le premier regard. À contempler sans modération. Y’a pas de lézard…