À QUATRE MAINS !
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Pourquoi diable, lorsque je déambule en attente de mon TGV Paris-Luxembourg, je tombe toujours sur des pianistes de pacotille, des bras cassés qui tapotent maladroitement sur les claviers mis à leur disposition dans les halls de gare ? Pourquoi diable n’ai-je jamais l’occasion de m’émerveiller devant les prestations de Ladyva et de son complice Dr K dans ces moments-là ? Faut-il aller jusqu’à Londres pour avoir ce délicieux privilège musical ? Cette reine du boogie woogie, à la chevelure aussi longue que ces jambes gainées de noir, ensorcelle tout son monde au rythme effréné de ces prestations rythmiques hors pair. Sa dextérité, couplée à une bonne humeur et un sourire ravageurs, enchaîne les performances pianistiques sans coup férir. Elle est irrésistible, et tellement séduisante lorsque, au détour d’une improvisation dont elle a le secret, elle saisit la main de son partenaire pour la placer entre les siennes et accélérer la cadence. Il y a même quelque chose de sensuel et émoustillant dans cette invitation tactile qui, au delà de la musique, laisse imaginer d’autres affinités. L’art est toujours vecteur de partage entre les êtres humains. Du moins, entre ceux qui le méritent de par leur sensibilité et leur générosité. En y réfléchissant bien, le fait que je n’ai jamais pu assister à l’une de ces rencontres de rêve comporte au moins un avantage. Il élimine la probabilité non négligeable, pour ne pas dire certaine, que je finisse par rater mon train. Et que je n’arrive jamais à destination !
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Why on earth, when I’m waiting for my TGV from Paris to Luxembourg, do I always come across shoddy pianists, broken arms clumsily tapping away on the keyboards provided in station halls? Why on earth do I never get the chance to marvel at the performances of Ladyva and her accomplice Dr K at such times? Do we have to go all the way to London for this delicious musical privilege? This queen of boogie woogie, with hair as long as her black-sheathed legs, bewitches everyone with her frenetic rhythmic performances. Her dexterity, coupled with a cheerful disposition and a devastating smile, make for a seamless succession of piano performances. She is irresistible, and so seductive when, in the midst of an improvisation of which she has the secret, she seizes her partner’s hand to place it between hers and accelerate the cadence. There’s even something sensual and titillating in this tactile invitation which, beyond the music, suggests other affinities. Art is always a vehicle for sharing between human beings. At least, between those who deserve it by virtue of their sensitivity and generosity. Come to think of it, the fact that I’ve never been able to attend one of these dream encounters has at least one advantage. It eliminates the not insignificant, not to say certain, probability that I’ll end up missing my train. And that I’d never reach my destination!