UNE SÉRIE ADDICTIVE
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Parmi les séries télévisées, il y a celles, annoncées à grands coups de battages promotionnels, que l’on regarde tout de suite et que l’on oublie aussi vite. Et puis, il y a celles dont la sortie passe sous les radars du grand public, car moins tapageuses mais ô combien plus avantageuses, tant sur le plan instructif qu’affectif. “The Hour” appartient à cette seconde catégorie, dont les représentantes sont, hélas, beaucoup trop rares sur nos petits écrans grand format, saturés de téléréalités à la gomme ou de longs métrages multi-rediffusés. Elle est actuellement proposée en replay sur Arte et vous feriez bien de vous y précipiter, avant qu’il ne soit trop tard…
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L’intrigue prend naissance à Londres, dans les studios la BBC. La British Broadcasting Corporation, premier radiodiffuseur britannique de service public, fondé en 1922, a le statut et la rigueur du plus ancien radiodiffuseur national du monde. En 1956, une toute nouvelle émission d’investigation est lancée sous la houlette de Bel Rowley, une jeune et ambitieuse productrice, magistralement campée par l’actrice Romola Garai. Elle constitue une équipe de choc autour d’un fringant journaliste de terrain nommé Freddie Lyon (Ben Whishaw), qui est aussi son ami d’enfance, une ancienne reporter-photographe de guerre, Lix Storm (Anna Chancellor), qui est aussi une spécialiste chevronnée des affaires étrangères, et un présentateur vedette, Hector Madden (Dominic West), incorrigible dragueur issu de la bonne société anglaise, qui est pistonné par ses pairs tout puissants.
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Sur fond de guerre froide, de censure gouvernementale, d’affaires d’espionnage, de crise du Canal de Suez et de répression soviétique en Hongrie, la première saison de la série, riche de six épisodes d’une heure chacun, oscille entre enquête journalistique, polar d’espionnage et chronique politique. Le rythme est haletant, les personnages attachants (qu’ils soient principaux ou secondaires), les rebondissements surprenants. L’ensemble est délicieusement addictif. Gare au binge-watching ! D’autant que la seconde saison, composée également de six épisodes, se poursuit par une enquête palpitante sur un réseau de vice et de corruption en plein cœur de Soho, célèbre quartier du West End londonien, niché dans l’arrondissement de la Cité de Westminster. L’ambiance bourdonnante d’une rédaction novatrice et le suspens caractéristique d’un thriller politico-historique se marient à merveille. Ce psychodrame élégant active des ressorts divers, parmi lesquels la position sociale et le statut de la femme dans une société patriarcale implacable. Tailleurs cintrés, robes de soirée, jupes entravées, bas nylon et talons aiguille le disputent aux smokings, boutons de manchette, costumes-cravates et pochettes de bon goût, sans jamais lâcher une once de terrain. Tantôt complices, tantôt antagonistes, les caractères féminins et masculins s’opposent ou s’allient dans un cocktail d’intrigues et de rivalités qui font aussi découvrir les coulisses d’un magazine d’information précurseur, cousin germain de l’émission française “Cinq Colonnes à la Une”, créé à la même époque et dont la première fut diffusée le 9 janvier 1959.
Plusieurs paragraphes supplémentaires ne suffiraient pas à dire tout le bien que les critiques spécialisés ont pensé de la série “The Hour”, dont les diffusions originales outre-Manche remontent déjà à juillet 2011 et décembre 2012. Le seul reproche que l’on puisse lui faire est qu’une saison 3 n’ait pas été réalisée. L’épisode 12 aurait pu nourrir un tel espoir. Mais en dire plus serait en dévoiler trop. Les liens complexes et captivants entre les différents caractères, ceux, non moins passionnants, tissés entre les intrigues et les ambiances doivent être distillés et savourés tranquillement. Tous ceux et celles qui ne connaissaient pas “The Hour” jusqu’à présent n’ont désormais plus aucune excuse s’ils venaient à manquer la rediffusion de ce programme sur Arte. Laissons les donc s’en délecter sur l’heure.
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