LE VERGER DU COUSIN MAURICE
Lorsque j’étais petit, je me sentais déjà grand. Dans un minuscule village de trois cents habitants, il n’y a pas beaucoup de vraiment grands. Ceux qui, très tôt, ont conscience d’être différents, le deviennent encore plus rapidement. Petit bonhomme de 7 ou 8 ans, j’allais souvent battre la campagne. C’était une sorte de défoulement pédagogique, de comportement autodidacte qui me permettait de vérifier in situ ce que le maître d’école nous racontait sur l’essaimage du pissenlit ou l’activité de la taupe, la pousse du radis ou le retour des hirondelles, la germination du blé ou la reproduction du taureau… Je partais donc seul, à la découverte champêtre de mes interrogations du moment. Mon cheminement, physique et psychologique, se faisait à chaque fois selon les mêmes étapes. Je m’en allais gaiement derrière la maison de mes grands parents. Traverser le jardin en longeant les poiriers et pommiers taillés en espalier était l’affaire d’un instant. Après les groseilliers et les framboisiers, le passage devant la volière des faisans et perdrix, puis le poulailler, provoquait une brève révolution du peuple gallinacé. Agitation inutile : la plainte du portillon érigé entre le pigeonnier et le muret de clôture du potager trahissait déjà mon entrée dans le verger du cousin Maurice.
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Le cousin Maurice était un de ces vieux personnages foncièrement bons, dont on se demande, peu après leur mort, s’ils n’étaient pas davantage que des humains. (suite…)