QUINTA  DE  LA  REGALEIRA



De vendémiaire à brumaire, le calendrier républicain peut faire germer un spleen automnal dans les esprits de certains. Chez d’autres, il accentue une frénésie d’idées et de sentiments insolites, qui font zigzaguer le passé et le présent dans un ballet de possibles imaginables, ou inimaginables, selon que vous acceptez d’y croire ou non. Persuasée d’avoir été Marie-Antoinette dans une autre vie, une amie brésilienne m’a récemment bombardée comtesse ou duchesse de je ne sais plus trop quoi, maîtresse certifiée d’un haut dignitaire de la couronne du Portugal dont il serait fort aventureux de révéler le nom, et muse attitrée d’un futur grand peintre qui sera un jour l’égal de Salvador Dali et Picasso réunis ! Lorsque cette amie a su que ma fille avait élu résidence à Lisbonne fin septembre, elle y a vu un signe du destin irréfutable, a mandé la calèche de son ami Hubert afin de me transporter vers les plaines de Roissy-en-France, où un étrange équipage fut chargé de m’escorter en terre lisboète. (suite…)

CORDES  SENSIBLES


Quand la nostalmagie Beatles entre par une de mes oreillettes, elle ne ressort jamais par l’autre. Mon rythme cardiaque s’accélère ou ralentit en fonction des notes et des mots. Leur enchaînement me donne du chœur au ventre. Nous sommes plusieurs en moi, comme toujours, mais cette fois, je les vois. Tout raisonne différemment. Tout est amplifié. Tout est apaisé, tout est excité. Mélodies, paroles, rythmes, images, idées… c’est un carnaval de sensations, de sensibilités qui s’entrechoquent et interagissent à l’infini. Proche et loin, vite et bien, tout est lien et rien n’est rien. Ma vie n’est qu’un instant. Comme un papillon hors saison, j’ai peur du temps. Je sais que je n’ai jamais su compter et que ça ne va pas commencer maintenant. Ça ne peut que finir, mais c’est cela qui me rend gaie et infiniment triste en même temps. Je voltige. Je m’éparpille. Je me laisse porter, emporter, déposer vers un autre hasard, qui n’en est jamais un, et là où ce flot m’échoue, c’est encore une victoire. (suite…)

LES  MAINS  PERCÉES



Imprégnée de bon sens, comme toujours, cette remarque formulée par l’astrophysicien (et philosophe) Hubert Reeves devrait faire réfléchir nos dirigeants de façon un peu plus responsable. En sont-ils capables ? Rien n’est moins sûr. L’homme moderne se noie dans ses petits problèmes nombrilistes et ne sait même plus reconnaître les véritables richesses mises gratuitement à sa disposition par la nature. Quand elles lui tombent du ciel par milliards d’hectolitres, il ne trouve qu’à s’en plaindre, alors qu’en période de sécheresse, il ne cesse de l’invoquer ! Dans l’un de ses sketches, Coluche, autre grand penseur dont nos politiques devraient plus souvent s’inspirer, affirmait : « Quand il pleut des roubles, les malchanceux n’ont pas de sac ! ». À grande échelle et de façon systématique, la malchance se nomme aussi immense connerie. Une connerie dont la source est intarissable puisqu’elle compose l’humain dans une proportion égale, voire supérieure, à l’eau. En ce moment, certains prêcheurs de l’impossible assurent à l’homme qu’ils vont faire pleuvoir de l’or, et cet imbécile retourne son sac sur sa tête pour en faire un parapluie. Sa première préoccupation est de protéger un brushing sous lequel il n’y a plus grand chose à siphonner. Avoir les mains, et la tête, percées ne le dérange pas outre mesure. Ce sont ses enfants qui paieront l’addition. Hélas plus en liquide…

« Paris est un théâtre où l’on paie sa place avec du temps perdu. »

(Robert Doisneau)

Jacques Prévert, photographié à Paris par Robert Doisneau.

Ô PONT, SUSPENDS TON VOL…

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Un pont d’un demi-siècle, de 1970 à 2020.
Et un feedback entre les Beatles et Simon & Garfunkel !
C’est l’histoire d’une passerelle artistique insolite et méconnue…
Un viaduc suspendu entre deux sources d’inspiration qui s’allient et se combinent. (suite…)

AU DELÀ DES APPARENCES



Il suffit de remplacer grandes feuilles par grandes gueules, ou ramifications par bonnes actions, et l’on obtient le profil type de ce fléau qui prétend améliorer la société et ne fait que la gangréner. À la campagne, dans la flore ou dans la faune, on repère rapidement les nuisibles. On les honnit. On les combat. On se méfie des parasites comme de la peste. On sait reconnaître ceux qui invitent les autres uniquement au moment du labour et ne leur rendent visite que pour la récolte. À la ville, ne compte que ce qui affleure en surface, comme en politique. Entre béton et asphalte, les chiendents font figure de fines herbes. On y vend des salades au goût amer. C’est le monde du blé noir et de l’oseille dissimulée. Ceux qui produisent le moins engrangent le plus. Qu’ils se méfient malgré tout du changement de saison. Personne n’apprécie de se faire carotter trop longtemps. Il faut semer pour recueillir, en tendant la main et non le sac. Du vent germe toujours la tempête.

AOÛT  ET  OUT

« C’est au mois d’août qu’on met les bouts, qu’on fait les fous, les gros matous, les sapajous… » affirme haut et fort la chanson de Pierre Perret. Le lundi 21 août 1911, la Joconde fit sien ce refrain en quittant subrepticement le Louvre. Elle disparut ni vue ni connue, en dépit de sa notoriété planétaire. Elle prit des vacances, de très longues vacances, puisqu’elle ne fut retrouvée que deux ans plus tard, à Florence, en Italie ! Elle daigna finalement réintégrer le musée du Louvre, mais ne fut à nouveau accessible au public qu’à partir du 4 janvier 1914… (suite…)

AU SUD DE LA MÉMOIRE

C’était le deuxième jeudi du mois d’août 1998. Encore étourdie par sa première coupe du monde, conquise au dépens d’un Brésil balbutiant son football, la France somnolait sa convalescence bigarrée. Elle sortait à peine d’une vague de chaleur ayant anesthésié le pays durant une semaine. Au fond du Quercy blanc, tout au bout d’un chemin de terre longeant un champ de blé fraichement coupé, un homme marchait doucement. Il était 13 heures et des poussières, qui s’envolaient avec le temps d’une nostalgie suspendue à autre chose. Clouée au sol par un chapeau foncé, son ombre découpait un début d’après-midi qui s’annonçait oppressant. (suite…)

LE  PEINTRE  ET  LES  LIBELLULES

Lorsqu’il vint au monde, le 25 août 1923, dans la capitale d’Égypte, on le prénomma Edmond en hommage à Edmond Rostand. Issu d’une famille francophile d’origine arménienne dont le patronyme est Kirazian, il entama une carrière de dessinateur de presse politique et de caricaturiste dès l’âge de 17 ans. Multipliant les collaborations dans des journaux et revues de langue arabe, française et anglaise, il acquit rapidement une solide réputation sous le nom de plume Kiraz. À 22 ans, l’envie de quitter Le Caire pour Paris le parachuta avenue Montaigne par la grâce d’une amie de ses parents. Il n’y resta qu’un an, le temps de dépenser ses économies, de tomber amoureux de la capitale française… et de ses Parisiennes ! (suite…)