TORSADE EXISTENTIELLE


Un clip magistral et une complicité artistique remarquable entre Violet Chachki et Lecomte de Brégeot. La première est une dragqueen, chanteuse, danseuse, artiste burlesque et mannequin américaine, d’origine équatorienne. Mondialement connue depuis une dizaine d’années, elle a, entre autres faits d’armes, remporté la septième saison de RuPaul’s Drag Race, en 2015. La même année, elle fit sensation avec deux clips magistraux (visibles sur YouTube), intitulés “Vanguard” et “Bettie”. On ne saurait que vous recommander vivement d’y jeter un œil, et même les deux ! Ayant défilé pour Moschino (2018-2019) et Richard Quinn (2022), elle réinvestit depuis quelques mois le devant de la scène internet avec cette reprise de “Fade to Grey”, titre emblématique du groupe de new wave britannique Visage, paru en novembre 1980. Le remix actuel est signé Lecomte de Brégeot, un compositeur et producteur français de musique électronique, ayant fait ses premières classes en tant que DJ, à la jonction des années 1990 et 2000. Influences techno, new wave et house ont construit un style qui, en 2021, l’a propulsé lauréat du FAIR, un tremplin musical de renom, ayant précédemment confirmé des artistes tels que IAM et Christine and the Queens.

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ÉCRITS PRÉMONITOIRES


Aldous Huxley (1894-1963) fut un écrivain, romancier et philosophe britannique, qui produisit une cinquantaine d’ouvrages, dont l’incontournable roman d’anticipation dystopique : “Le Meilleur des Mondes”. Ce livre, que j’ai dévoré durant mon année de Terminale, est remarquable en tous points. Écrit en 1931 et publié en 1932, il expose déjà les travers et les excès d’une société qui, hélas, ressemble fort à un modèle que nous connaissons bien aujourd’hui. En est extraite la citation ci-dessus, qui donne une idée très significative de sa teneur générale.

Humaniste et pacifiste à tendance satiriste, reconnu comme l’un des intellectuels majeurs de son temps, ce cher Aldous a développé et étayé son sujet de manière implacable dans le passage suivant :

« Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente.  Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra plus à l’esprit des hommes. L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées.

Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif. Surtout pas de philosophie.

Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, par la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser.

On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux. En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté.

Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur (qu’il faudra entretenir) sera celle d’être exclus du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions nécessaires au bonheur. L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est : un veau, et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu. »

Balaise et visionnaire, non ? Ces quelques lignes, qui, rappelons-le tout de même, ont été publiées il y a tout juste 90 ans, sonnent comme un terrible constat, doublé d’une analyse dont la pertinence et les prolongements font froid dans le dos. Est-il nécessaire de leur ajouter quoi que ce soit ? Sinon un simple : « Well Done, Dear Aldous » !

SOUVENIRS CHALEUREUX


J’ai souvenance, dans la Lorraine de mon enfance, de mois d’hiver où la neige et les paysages glacés nous réchauffaient le cœur aussi surement que les bouillottes que nos grand-mères glissaient sous les draps nous réchauffaient les pieds. Quand il n’était pas arrivé par surprise et en silence au cours de la nuit, nous espérions ce manteau blanc de toutes nos forces. Dans une salle de classe blottie autour d’un poêle à charbon assez poussif de bon matin, nous guettions les premiers flocons au travers de vitres décorées de magnifiques fleurs de givre. Lorsque le phénomène météoromagique se produisait enfin, l’instituteur peinait quelques minutes à maintenir la discipline. Quelques punitions pouvaient être décochées ici et là mais la menace d’une sanction collective sous forme d’heure de retenue suffisait à mater tout embryon de rébellion. La récré, puis la sortie de l’école communale, scintillaient de projets éphémères, entre concours de glissades et batailles rangées, construction d’igloos et de bonhommes de neige…

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JOHN LENNON


Le texte est quelque peu sibyllin, parsemé de références aux Beatles, et spécialement à John Lennon. Il fut publié dans le numéro 1 du magazine Santiag, en février 1983. Tout neuf journaliste, je tenais à rendre hommage à l’une des idoles de ma jeunesse, assassinée deux ans plus tôt, dans la soirée du 8 décembre 1980, à New York. À côté du titre “Décade 12-80”, pour décembre 1980, figurait simplement une photographie de John Lennon enfant, un cliché alors ignoré du grand public mais bien connu des spécialistes. Ces quelques lignes rendaient compte d’une triste réalité, celle d’une fin d’année qui se dirigeait tranquillement vers les fêtes de Noël quand les radios nous balancèrent cette flèche empoisonnée en plein cœur.

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CHANGEMENT DE QUAI


Un mouvement de grève déclenché par les contrôleurs SNCF entraînera la suppression de nombreux trains (60% des TGV et des Intercités seront annulés de vendredi à dimanche) et provoquera d’importantes perturbations du trafic sur tout le réseau français, durant ce premier week-end de décembre. Prenons les choses avec philosophie et positivons un peu en pensant que cela réduira d’autant les risques de catastrophes ferroviaires au cours de ces trois journées. Et cela augmentera les chances de nouvelles rencontres par le biais du covoiturage ou toute autre option qui vous évitera de rester bêtement à quai. Pourquoi toujours chercher à courir après les mêmes échalotes en forme d’horloges ? Prendre une autre voie que celle imposée par le train-train quotidien n’est peut-être pas si mal. Prendre le temps d’échapper à tout contrôle également, car, comme l’a si bien écrit Jacques Prévert :

Le temps nous égare
Le temps nous étreint
Le temps nous est gare
Le temps nous est train.

NOIR, NOIR, NOIR.


Black Friday… le Vendredi Noir ! « Encore une belle fumisterie, pour ne pas dire une vaste connerie, qui nous vient des Américains ! Tu parles d’une aubaine ! C’est un véritable fléau, une calamité sans nom, et tout le monde court s’y vautrer les yeux fermés ! » s’emporte mon amie Teresa, qui est Mexicaine. Étant donné les tensions de toujours entre les deux états, on pourrait aisément accuser Teresa d’un léger parti pris, mais certains partis pris constituent malgré tout de précieux raccourcis pour aller à l’essentiel. Bizarrement, pour accéder sans détour au Black Friday, il faut d’abord passer par la case Thanksgiving…

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ARMISTICE ET ARTÉMIS


À chacun et chacune sa façon de fêter l’armistice. Larme à l’œil ou l’arme au pied. Moi, je préfère l’armistice façon Artémis, cette déesse de la chasse dans la mythologie grecque (la Diane des Romains), protectrice des chemins, des ports, des jeunes enfants et des bébés animaux, bref de tout ce qui initie et définit une nouvelle trajectoire, une nouvelle aventure, une nouvelle perspective. Parée des attributs qui la caractérisent : arc en or, flèches, carquois, croissant de lune et biche, lorsqu’elle se met en chasse, rien ne résiste à cette déesse farouche et sœur jumelle d’Apollon. Un peu comme ma modeste personne quand elle décoche son dernier trait de khôl en prolongement de son œil de biche, à l’orée d’une nuit mystérieuse.

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DEVINETTE MONSTRUEUSE


Grand jeu de la semaine post-halloween : Qui peut bien se cacher derrière ce faciès monstrueux ? Seul indice mis à disposition avant d’entamer votre recherche parmi les diverses suggestions exprimées ci-dessous : le bonne réponse figure effectivement dans la liste de ces dix propositions. Ce spécimen attachant et hyper-actif est donc :

A : Le nouveau variant Covid 213312 qui prépare une offensive imminente.

B : La tête de votre patron quand vous lui demandez une augmentation.

C : L’acarien de maison blotti dans votre literie, qui raffole des squames humaines.

D : Le portrait robot du hater malsain qui déverse son fiel planqué derrière son écran.

E : La tête de la fourmi pas prêteuse quand la cigale ou quiconque vient l’importuner.

F : La représentation psychique de votre partenaire qui ronfle trop fort la nuit.

G : L’extra-terrestre vedette du prochain épisode cinématographique d’Alien.

H : La toute première peluche qui couva Vladimir Poutine dans son berceau.

I : La reconstitution en 3D de l’ancêtre commun à tous les mammifères.

J : La dernière trouvaille de Brigitte Boréale pour vous énerver pendant dix minutes.

Paragraphe à ne pas lire avant d’avoir formulé votre réponse :

Tous lauréats ayant trouvé la solution de cette énigme seront submergés de félicitations et de la fontaine intarissable de notre immense admiration, et, fort aise de cette distinction fabuleuse, ils pourront alors s’entendre dire : « Et bien dansez maintenant ! ». La Fontaine, fort aise, fabuleuse, et bien dansez maintenant… Est-il bien nécessaire de confirmer la bonne réponse ? Il s’agit évidemment d’une tête de fourmi, vue au microscope. Ce petit insecte, pourtant réputé très social avec ses congénères, ne l’est assurément pas en tous lieux et en toutes circonstances. Oppressé par le quémandage insistant d’une cigale imprévoyante ou sous la plaque écrasante d’un microscope, il n’est guère enclin, on le comprend, à afficher un franc et grand sourire.

UNE HUMEUR DE CHIEN


« PLUS JE CONNAIS LES HOMMES, PLUS J’AIME LES CHIENS »

Est-ce une citation ou un aveu ? Aveu teinté d’un reproche androphobe… On l’a attribué à des personnes aussi différentes que Jules Renard, Brigitte Bardot, Mark Twain, Erik Satie, Fernand Gravey, et même Vladimir Poutine ! À l’occasion, la phrase fut déformée en : « Plus je connais les gens, plus j’aime les chiens » ou encore : « Plus je connais les hommes, plus j’aime mon chien ». Des variantes qui ne nuancent guère la misandrie du propos. Il semble que la véritable paternité (devrait-on dire maternité ?) de la formule  revienne à Madame de Staël. C’est elle qui accoucha la première de cette saillie littéraire.

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